En résidence

Journal de résidence

Le fait d’écrire, pour moi, ne pourrait pas se concrétiser sans le recours àla voix des autres, comme ça a été déjàle cas de mes dernières travaux (inédits -L’Impasse de la baleine, la coordination de l’oeuvre réunie de Francisco Madariaga- ou publiés –Le journal de la china). Depuis un certain temps mon travail d’écriture se lie de plus en plus àl’inclusion, d’une façon évidente, de voix entendues, recomposées. Ce phénomène de composition rejoint d’un côté le concept de Deleuze : « L’énoncé est le produit d’un agencement toujours collectif qui met en jeu en nous et dehors de nous des populations, des multiplicités, des tentations, des devenirs, des affects, des événements  » (Dialogues). Et d’un autre, l’idée du poète comme un poste de radio qui capte les fréquences, les transmissions de l’espace (Jack Spicer). En tout cas, le poème est bien polyphonique : être tout ouïe pour restituer les mots, débarrassés des clichés, àla tribu. Le Grand Autre étant le migrant (étranger ou pas), il a un parcours souvent mouvementé et, simultanément, il a l’observation et la jouissance de la langue d’autrui, deux choses qui attirent de façon fondamentale l’attention d’un écrivain. Puisque celui-ci cherche l’état d’étrangeté par rapport àsa propre langue.


Une de mes motivations est de lier le métier de poète et le parcours d’une vie pour le travail, le métier de vivre. Le travail comme synonyme de vie et non seulement comme malédiction biblique. Le tout dans une époque où le travail, en tant que tel, disparaît. D’autre part, le poète est bien celui qui souvent mène un parcours du combattant avec plusieurs casquettes, divisé depuis toujours entre le « métier  » d’écrivain et la quête du travail alimentaire. Et de ce point de vue, il/elle se rapproche des personnes aux parcours accidentés, plein de sursauts et de mésaventures : pour le migrant et l’écrivain (s’il n’est pas auteur de livres pour la rentrée, ni fonctionnaire) la vie apparait comme un roman initiatique.

3 février 2016
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