FRAGMENT HSL# 43.313 POUR LAWRENCE

LOUISE
La sainteté existe-t-elle en dehors de l’existence des saints ?
Peut-on parler de gloire sans glorification ?
Pour un Brian Wilson et ses Beach Boys combien de Lawrence Hayward et de Felt ?
Vous n’avez jamais entendu parler de Lawrence Hayward.
Vous n’avez jamais entendu parler de Felt ni même de Denim.
Encore moins de Go Kart Mozart Supermarket Discotheque USA.
Hors d’ici vous n’entendrez jamais plus ces noms-là.
Vous avez raison mais vous avez tort.
Car Lawrence est le plus grand génie vivant de la pop-music.
Un génie dont vous n’avez pourtant jamais entendu parler.
Lawrence vit aujourd’hui isolé dans un HLM miteux quelque part au sud de l’Angleterre ; c’est depuis cet endroit sans joie qu’il rumine ses rêves de gloire et de sainteté. Le corps rétréci par la misère et la défaite, le visage creusé par l’âge et les anxiolytiques, Lawrence bouge encore avec un certain style. Même si plus personne ne l’attend, il continue invisible à élaborer de nouveaux plans de conquête qui lui assureront adulation, millions et étreintes avec de grandes blondes à la taille impeccable. Oui ! Son jour finira par venir, car le succès est un malentendu, une simple question de chance...
Certains tricards prétendent parfois que le culte voué par quelques initiés suffit bien à les consoler.
Libre à chacun de les croire. Être un mythe underground ça n’a jamais rempli un frigidaire ni réchauffé un lit, et ça, Lawrence le sait.
Être plus grand que dieu lui-même, voilà l’objectif ! C’est pour cela qu’ils se l’astiquent et se la mesurent à longueur de temps.
C’est à cause de cela que nos poubelles débordent de visionnaires de prophètes en puissance. Il suffit de s’y pencher pour les entendre vociférer et se débattre. Hélas les gars notre monde ne se nourrit que de chair fraîche, pas de restes moisissants aussi savoureux puissent-ils être.

Oui nous détournons vite nos regards des perdants.
Vous trouvez ça triste, je trouve ça très bien : il n’y aura jamais assez de place pour tout le monde.
Pour autant les maudits persévèrent encore et toujours.
Ils s’endimanchent avant de se présenter au seuil du succès.
Une fois de plus ils ne rentreront pas.
Qu’à cela ne tienne, ils reviendront demain...
Vous pouvez les moquer. Vous pouvez les plaindre. Vous pouvez les admirer pour leur constance. Eux vont continuer à y croire avec férocité.
Question de nature ou de posture.
Comme si leur héroïsme se nourrissait de leur échec.
Et réciproquement.

9 avril 2013
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