La chanson Je regarde en l’air
Elle avait placé très haut le niveau d’étanchéité qui lui convenait.
Elle conservait la zone de silence, le sas de néant, qu’il faut à tout prix garder dans les économies mondialisées.
Parce qu’ainsi sont les périodes d’économie mondialisée : tout est lié, il y a ce côté agglutinement,
ce côté Je regarde en l’air à Caracas et tu te prends les pieds dans le tapis à Séoul ce côté J’enfile un pantalon à Abidjan et tu te déshabilles à Hambourg
ce côté Je lève le bras à Rotterdam et quelqu’un se gratte à Karachi
ce côté J’emballe à Barcelone et tu conclues à Madrid
ce côté J’ouvre les croquettes à Santiago et le chien salive à Taipei
ce côté Tu manges un glaçon à Mexico et je frissonne à Toronto
ce côté Je ferme à clé à Sidney et tu paumes les clés à Bergen
ce côté Je fais la planche à Dakar, et ta nuque se détend à Moscou
ce côté Tu va aux cours à Heidelberg et « ça y est, je percute ! » à Rio
ce côté Je t’embrasse de Paris, et tu m’embrasses à Paris
ce côté Tu éclabousses à Safi et quelqu’un est trempé à New Delhi,
ce côté Je bois à Lausanne et c’est fou ce que tu as soif ce soir à Kiev,
ce côté Quelqu’un bêle à Glasgow et on le tond à Washington,
ce côté Je cours à Québec et tu transpires à Bruxelles
ce côté Je mise à Vichy et tu encaisses à Ankara
ce côté Je t’embrasse de San Francisco et tu m’embrasses à San Francisco
ce côté Je t’embrasse de Marrakech et tu m’embrasses à Marrakech
ce côté Je t’embrasse de Singapour et tu m’embrasses à Singapour
ce côté Je t’embrasse de Dubaï et tu m’embrasses à Dubaï (comme c’est interdit de s’embrasser, on se prend une amende)
ce côté Je t’embrasse de Lomé et tu m’embrasses à Lomé
ce côté Je t’embrasse de La Hayes, et tu m’embrasses à La Hayes.
ce côté Je regarde en l’air à Caracas et tu te prends les pieds dans le tapis à Séoul ce côté J’enfile un pantalon à Abidjan et tu te déshabilles à Hambourg
ce côté Je lève le bras à Rotterdam et quelqu’un se gratte à Karachi
Ainsi sont les périodes d’économie mondialisée,
Il y a cette ambiance de boîte de nuit, cette ambiance réseaux densifiés, tuyaux embrouillés
On a l’impression de ne jamais être seul cinq minutes,
On a envie de donner des gros coups de coudes sur les côtés.