La fée électricité | Olivier Salon
La fée électricité
Je savais que François Le Lionnais, dont j’écris la biographie cette année, puisque je suis en résidence d’écrivain au Parc culturel de Rentilly pour écrire cette biographie-là, je savais donc que François Le Lionnais, né en 1901, avait été pour la première fois publié en 1923 dans « une feuille de chou intitulée Contes choisis ».
J’ai trouvé la cote de la feuille de chou : Tolbiac Rez-de-jardin magasin JO-15564 et je me suis présenté là-bas, à la Bibliothèque nationale de France, muni de la précieuse cote.
L’appariteur a fait de patientes et longues recherches, et a fini par me dire que l’ouvrage était consultable, mais en si mauvais état et que je devais faire une demande écrite préalable, et que la réponse prendrait plusieurs semaines. Que de toute façon, c’était dans une autre aile qu’il fallait aller.
Dépité, mais pas abattu, je suis allé dans l’autre aile, et j’ai renouvelé ma demande auprès d’une apparitrice qui me paraissait mieux disposée. Très aimable en effet, elle a fait de longues et patientes recherches et est revenue avec une très grande pochette, de laquelle elle a extrait les Contes choisis : une trentaine de journaux de huit pages chacun, datant des années 1923 et 1924, en me recommandant le plus grand soin dans la tourne des pages.
J’ai mis une heure à feuilleter l’ensemble, mais n’ai nulle part trouvé le nom de François Le Lionnais. Les Contes choisis pour lire en voyage (Journal Hebdomadaire publiant les Contes des meilleurs Auteurs) est une revue hebdomadaire qui démarre le dimanche 10 juin 1923 et s’achève le dimanche 10 février 1924, n° 29. Une quinzaine de contes dans chaque numéro. Et parfois (assez rarement), un poème ; une recension ; un article de fond.
Dépité, mais pas abattu, je me suis rappelé que François Le Lionnais avait parlé de poème publié dans cette revue. J’ai donc recherché les seuls poèmes, peu fréquents, et suis tombé sur une signature qui revenait fréquemment : Jean-Nicolas Norflis, parfois Nicolas-Jean Norflis. Ce nom de Norflis m’a paru suspect. J’ai recopié les lettres : J E A N N I C O L A S N O R F L I S, puis celles de F R A N C O I S L E L I O N N A I S… j’ai laissé passer le temps, qui semblait suspendu dans le rez-de-jardin de la Bibliothèque nationale de France, comme grignoté par les lapins qui remuaient des oreilles derrière les énormes baies vitrées. C’étaient les mêmes lettres, si l’on accepte l’équation I = J, qui est classique (ainsi, Arouet le Jeune, ou encore Arouet le J, a-t-il pris pour nom de plume Voltaire, anagramme de Arouet le I). Jean-Nicolas Norflis n’est autre qu’une anagramme de François Le Lionnais, lequel avait utilisé ce subterfuge très français pour signer ses tout premiers poèmes !
Dans le n° 24 des Contes choisis du dimanche 6 janvier 1924, j’ai trouvé le poème suivant :
J’ai trouvé la cote de la feuille de chou : Tolbiac Rez-de-jardin magasin JO-15564 et je me suis présenté là-bas, à la Bibliothèque nationale de France, muni de la précieuse cote.
L’appariteur a fait de patientes et longues recherches, et a fini par me dire que l’ouvrage était consultable, mais en si mauvais état et que je devais faire une demande écrite préalable, et que la réponse prendrait plusieurs semaines. Que de toute façon, c’était dans une autre aile qu’il fallait aller.
Dépité, mais pas abattu, je suis allé dans l’autre aile, et j’ai renouvelé ma demande auprès d’une apparitrice qui me paraissait mieux disposée. Très aimable en effet, elle a fait de longues et patientes recherches et est revenue avec une très grande pochette, de laquelle elle a extrait les Contes choisis : une trentaine de journaux de huit pages chacun, datant des années 1923 et 1924, en me recommandant le plus grand soin dans la tourne des pages.
J’ai mis une heure à feuilleter l’ensemble, mais n’ai nulle part trouvé le nom de François Le Lionnais. Les Contes choisis pour lire en voyage (Journal Hebdomadaire publiant les Contes des meilleurs Auteurs) est une revue hebdomadaire qui démarre le dimanche 10 juin 1923 et s’achève le dimanche 10 février 1924, n° 29. Une quinzaine de contes dans chaque numéro. Et parfois (assez rarement), un poème ; une recension ; un article de fond.
Dépité, mais pas abattu, je me suis rappelé que François Le Lionnais avait parlé de poème publié dans cette revue. J’ai donc recherché les seuls poèmes, peu fréquents, et suis tombé sur une signature qui revenait fréquemment : Jean-Nicolas Norflis, parfois Nicolas-Jean Norflis. Ce nom de Norflis m’a paru suspect. J’ai recopié les lettres : J E A N N I C O L A S N O R F L I S, puis celles de F R A N C O I S L E L I O N N A I S… j’ai laissé passer le temps, qui semblait suspendu dans le rez-de-jardin de la Bibliothèque nationale de France, comme grignoté par les lapins qui remuaient des oreilles derrière les énormes baies vitrées. C’étaient les mêmes lettres, si l’on accepte l’équation I = J, qui est classique (ainsi, Arouet le Jeune, ou encore Arouet le J, a-t-il pris pour nom de plume Voltaire, anagramme de Arouet le I). Jean-Nicolas Norflis n’est autre qu’une anagramme de François Le Lionnais, lequel avait utilisé ce subterfuge très français pour signer ses tout premiers poèmes !
Dans le n° 24 des Contes choisis du dimanche 6 janvier 1924, j’ai trouvé le poème suivant :
Sous le signe de la lumière
I. Rayon de soleil
L’indicible et le dur orgueil du sobre espace
Ici transfiguré se résout en frissons ;
Ce rude guerrier rejette sa cuirasse
Et, ravi d’une danse, écoute tes chansons.
Un vif esprit de joie hante ta pure ligne,
Il tressaille, il s’émeut, il s’exalte, il bondit :
Sa mobile tendresse enchante une âme insigne
Où pétille l’ardeur d’un glissement exquis.
La feuille où meurt le cri d’une vie éphémère
S’offre impudiquement aux baisers radieux
Qu’un astre, brasier dans l’azur solitaire,
Eparpille sur terre en rayons lumineux.
II. Ampoule électrique
Quel démon, par pourpre colère,
Bel acrobate incandescent,
T’enferma dans ce fruit de verre ?
Te poursuit-il de son trident
Sur un chemin semé de piques
Qui mène vers un four ardent ?
Qui dira tes noires paniques
Dans la prison sans atmosphère,
Et tes angoisses électriques ?
Nicolas-Jean NORFLIS
Alors, en découvrant dans le deuxième étage de l’ancienne mairie de Collégien l’énorme fruit de verre que l’on peut voir ci-contre, j’ai compris que François Le Lionnais avait publié ce poème oublié à seule fin que j’en rendisse compte 90 ans plus tard dans l’Écho de Collégien.
9 mai 2014