Le cendrier vert

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Elle a essayé de l’utiliser comme presse-papier, puis comme vide-poche, sans grande conviction. Non seulement elle a toujours trouvé que ce cendrier était laid, mais aujourd’hui, en plus, il est inutile.
C’est la seule chose que Rodolphe a oublié d’emporter quand il est parti. Il était pourtant bien visible sur la table basse du salon. En plein milieu.
Elle est en train de nettoyer la table, elle soulève le cendrier pour passer l’éponge, et soudain elle réalise qu’il l’a sans doute fait exprès. Il a laissé son cendrier au milieu du salon comme une marque évidente de son absence, un objet qui ne servirait plus jamais à rien, qui resterait vide comme la place qu’il occupait dans cette maison. Au cas où, malgré sa souffrance, elle s’aviserait quand même de l’oublier. C’est ça. Rodolphe l’a fait exprès. A présent, elle en est sûre. Elle en mettrait sa main à couper.
Dans un brusque élan elle empoigne le cendrier, court jusqu’à la cuisine, ouvre le couvercle du vide-ordures et le jette dedans de toutes ses forces.
Le cendrier vert dégringole dans le conduit avec un grand fracas qui ressemble à un rire de soulagement.

21 juillet 2013
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