« Quoi ?  »

Le samedi, je voyage en car àtravers l’Angleterre. J’ai 22 ans, je suis étudiant dans la ville de Nottingham, 100 km au nord de Londres. J’habite dans une sorte de foyer. Je m’y suis fait une bande d’amis, des musiciens contestataires, visiblement traumatisés par leur enfance thatchérienne, et très en colère contre le parti conservateur. Ils ont des cheveux longs et quelques piercings sur le visage. Nous allons au pub et de temps en temps àdes concerts, mais nous ne sortons jamais de la ville. Je commence àm’ennuyer sur le campus, alors je trouve cette astuce pour voir du pays sans dépenser un penny : depuis trois semaines, je me suis greffé àune association qui collecte des fonds pour la recherche contre le cancer. Chaque samedi, un car passe nous prendre àl’Université et nous filons vers une ville des environs – Liverpool, York, Sheffield… J’y vais seul, ça n’intéresse pas mes copains contestataires qui préfèrent répéter plutôt que de faire du tourisme.
Ce jour-là, je suis àSheffield. Je déambule dans le centre-ville, ma sébile àla main, l’objectif est de la remplir de Livres avant la fin de la journée. Mon anglais doit être encore rudimentaire, puisque les passants que j’aborde ne comprennent pas toujours quand je leur demande de donner une pièce ou un billet pour la « Â cancer research  ». Quand j’aborde un homme au même look que mes amis contestataires, il s’écrie, indigné : WHAT ? You ask me to donate for the conservatives ?

Guillaume Jan

Je suis originaire d’Angleterre, plus précisément de Sheffield. J’ai passé toute mon enfance àsillonner les plus petites de ses ruelles, àm’émerveiller de son architecture majestueuse, j’aime mon pays et mes souverains qui ont fait de cette étendue de terre ce qu’elle est. Aujourd’hui, je reviens d’une longue aventure passée loin de chez moi, trop loin même, je dirais.
Impatient de sillonner de nouveau mes rues, je dépose mes valises àune consigne et repars en direction de Fragate. C’est une grande rue piétonne où l’on venait admirer la fierté de notre mairie. Perdu dans mes pensées, un homme au loin m’arrache àcelles-ci. Il se tient debout au milieu de la foule tout en criant que honte et mépris àla monarchie !
Comment peut-il bafouer tout ce qui a toujours fait partie de nos vies, de notre pays ? Comment peut-il cracher sur cette grande famille qui a toujours veillé sur son peuple, qui m’a toujours fasciné ? Comment et pourquoi ? Intrigué et offusqué, je m’approche pour lui demander sur quoi il se base pour déblatérer autant de bêtises avec une telle rage. « Â Quoi ?  » Il se calme un court instant pour me dire que le communisme est l’avenir du monde.

Marie-Grace

4 avril 2016
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