Un peu de rêve dans l’eau froide

C’est notre créature. Elle est le dragon, la bête à 1000 têtes, et qui sait bientôt l’égérie Dior. Paradoxe d’une société qui rêve du sauvage après l’avoir étouffé. Les espèces animales et la nature ? Coulées dans le béton. Et l’Homme ? Policé, tartiné de crème, souriant, imberbe, parfait à lui en donner des claques. Un pur produit du capitalisme et des RH.

Alors, il fallait une bête mouvante, semant la zizanie, la peur. Quelque-chose qui se soulève, un séisme, une fureur, une insoumission impétueuse. Ce sera peut-être un dos huilé, long, si long qu’il fera déborder les fleuves, une mélopée gémissante qui réveillera les poissons abrutis par la chimie, ou pourquoi pas des milliers de pattes rampant sur les murs, une ombre mesquine, une présence avec laquelle il faudra désormais compter. Tremblez citoyens, elle est là.

Elle est l’ombre du sauvage en vous, cette part manquante, celle que vous avez voulu cacher. Elle est les ténèbres et les lumières à la fois, la monstruosité et le sublime, vos pires cauchemars comme vos rêves les plus fous. Surtout elle est tapie dans ce recoin de votre mémoire, tremblante d’enfance, là où les peurs sont presque matérielles, immenses et irrationnelles.

Elle est ce joyau qui fascine. Comme Nessie que j’ai vainement traqué en Ecosse et davantage trouvé en peluche dans les boutiques bordant le Loch. Comme cette autre créature immense que j’ai aperçue un jour dans la Seine et qui a déplacé les caméras de télévisions, avant de s’enfoncer dans l’eau, emportant son énigme. Stop, ne plus y penser, oublier, ne garder que le mystère, Jules Verne et la part de rêve. Même si la lumière sur le monde n’a jamais été aussi crue et la poésie si fragile.

22 janvier 2017
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