Une bête pour la Saint Valentin

14 Février, 8h00.

Le réveil sonnait, en mémo, je pouvais lire « Â C’est la Saint Valentin, Crétin !  ».
Pour une fois, la flemmingite aiguë ne m’empêcha pas de me lever. C’était le moment. Des semaines que la situation durait, depuis qu’elle s’était rapproché de l’autre et que notre couple avait volé en éclat.
Même si on sait tous les deux qu’on devrait continuer, pour elle, le doute persiste, elle ne sait qui choisir. Pour moi, il n’y a pas vraiment de choix, je sais déjàce que je veux : elle. Enfin c’est prévu ! Je vais la voir , et ce, le jour où j’ai de réelles raisons de tout donner. A la base, je déteste cette journée, ayant toujours refusé de fêter la Saint Valentin, qui est pour moi une fête totalement commerciale. Je suis de ceux qui pensent que montrer son amour àl’autre peut se faire tous les jours, quand on le souhaite, sans se formater àune journée dédiée àça. Pourtant, aujourd’hui, je ne pense pas ainsi. J’ai vraiment envie de lui faire plaisir, de lui montrer àquel point je tiens àelle.
Après m’être préparé en vitesse, j’ai sauté dans la voiture, direction le fleuriste. « Â Un bouquet de roses puis je la rejoins  ». En sortant avec le bouquet j’ai regardé mon portable, j’avais un nouveau message.
C’était elle. « Â je suis trop crevé, on se voit jeudi  ». Tous les espoirs retombaient, j’étais piégé dans ce cycle infernal et répétitif du « Â je ne sais plus ce qu’il en est et ça me tue  ». Croisant un jeune garçon visiblement làpour la même raison, je lui donnais les roses, lui expliquant que je n’en aurait pas besoin, puis je retournais chez moi. La dépression présente depuis plusieurs semaines reprenait le dessus. À la télé, au milieu de tous les programmes de Saint Valentin, une information attira mon attention :
« Â La bête a encore frappé, deux touristes retrouvés déchiquetés aux douze colonnes, àCergy Saint Christophe  ».
Je montais le son.
« Â Un témoin ayant apparemment vu la scène signale une créature de plusieurs mètres d’envergure. Elle aurait attaqué les deux passants alors qu’ils revenaient de leur promenade matinale aux étangs de Cergy. La créature aurait donc encore frappé, mais malgré toutes les recherches des forces d’intervention, aucune trace de son passage ne peut donner d’indice quand àsa réelle implication dans cette affaire. Après le massacre du mois dernier sous la gare de Saint Christophe, les doutes semblent tout de même tomber et nous recommandons àtous de ne pas sortir pendant la nuit.  »
Les pensées négatives refaisant surface, je coupais mon poste de télévision, puis je reprenais la voiture pour aller voir sur place. J’avais toujours été trop curieux, mais c’était surtout pour me changer les idées que je le faisais maintenant.

11h12, Cergy Saint-Christophe, Douze Colonnes.

Il n’y avait personne, sauf quelques couples se baladant main dans la main et attisant ma colère.
« Â Alors, on n’est pas bien  » fit une voix dans ma tête. Je me retournais, cherchant d’où elle pouvait provenir. Il n’y avait personne autour de moi.
« Â Tu peux chercher autant que tu veux, c’est dans ta tête que je parle  », je sursautais, puis cessais de bouger, tétanisé par la peur.
« Â Bon tu as l’air àmême de m’écouter  », reprit la voix, « Â c’est la seconde fois en très peu de temps que tu viens ici pour faire des recherches sur moi. Laisse tomber ou tu finiras comme le couple de ce matin. Ils voulaient découvrir ce que j’étais, et bizarrement le mécanisme que j’ai installé aux douze colonnes ne leur a pas vraiment fait perdre la mémoire. J’ai pu remarquer qu’il présentait des faiblesses avec toi aussi, la dernière fois t’effacer la mémoire n’a pas été aussi simple qu’avec les autres. Tu as le choix maintenant, soit tu repars et tu oublies, soit tu avances et je te tue.  »
Je tremblais de plus en plus, mais il était hors de question de reculer.
« Â Tu n’es qu’une hallucination  », balbutiais-je, « Â une simple hallucination  ».
Et je continuais àavancer, reprenant peu àpeu mes esprits. Descendre les marches jusqu’au pont me paru durer une éternité.
« Â Sinon tu nourriras mes enfants, ils ont faim apparemment.  »
Ignorant la voix, je traversais le pont, chaque pas me semblait plus pesant que le précédant.
Arrivé face au lac, je pu enfin reprendre mes esprits et mon souffle, il n’y avait rien, pas de bête, pas de petits, juste la surface plane et brillante de l’eau.
« Â Ils ont faim !  »
Alors que je faisais demi tour, j’entendis un craquement derrière moi, une ombre me recouvrit. Mes jambes agirent alors plus vite que mon esprit, démarrant une course poursuite comme je n’en avais jamais vécu. L’adrénaline semblait pousser mes jambes àla vitesse de Usain Bolt. Plusieurs petites créatures de la taille de ma main couraient àcôté de moi, sur leurs quatre pattes, tels des reptiles. Une douleur atroce survint soudain dans ma jambe, et ne trouvant plus d’appui, la chute n’en fut que plus douloureuse. Pivotant ma tête vers ma jambe, je ne la trouvais pas. Mon coeur s’arrêta alors, laissant place àun enfer sans nom. Alors que je ne trouvais plus la force de respirer, que la douleur àla poitrine me pliait en deux, je sentais toutes ces bêtes me dévorer les membres. J’essayais de crier, mais aucun son ne s’échappait de ma bouche…
« Â Merci pour le repas  »Â !

C’est làque le cauchemar prit fin, me réveillant en sursaut, je trouvais mon téléphone sonnant àcôté de moi. En mémo, je pouvais lire : « Â C’est la Saint Valentin, Crétin !  »

7 février 2017
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