Javotte
"Qu’est-ce que c’est que cette visite inattendue ? Des uniformes, des médailles, des dorures. Qui sont ces hommes enrubannés ? Mais oui, c’est le Grand Chambellan et son messager. Alors c’est une délégation royale. Et en plus ils viennent avec un petit cadeau posé sur un coussin. Oui, c’est ainsi qu’on présente la bague pour une demande en mariage. Comme c’est gentil ! Ça vient surement du Prince et c’est surement pour moi. J’ai bien vu qu’il ne cessait de me regarder au bal. Il m’a remarquée comme la plus belle. Mais c’est un homme si timide et si discret qu’il n’a pas osé m’inviter à danser.
Le messager découvre le présent. Quoi, une chaussure ! C’est original, mais j’aurais préféré la paire.
Le Grand Chambellan avec son képi, ses moustaches, ses pompons, ces grands pieds, bref… annonce : « Ordre de sa majesté, le Prince cherche sa Princesse. Celle qui pourra chausser cette jolie pantoufle de verre, sera l’heureuse élue ».
« C’est à moi » déclare immédiatement avec véhémence et autorité Anastasia, ma chipie de sœur. C’est une peste, une jalouse, toujours là pour se faire remarquer. Et tellement mal habillée et si mal chaussée. Alors, cette jolie chaussure, vous plaisantez, impensable !!!
« Ce n’est pas ta chaussure, Anastasia, regarde tes pieds, tes panards, tes péniches… Ce n’est pas à elle Monsieur le Grand Chambellan, elle me l’a volée ».
Ma mère s’en mêle. Elle se fait mielleuse. C’est sûr, elle veut caser une de ses filles. Et certainement que ce sera moi, Javotte, la Princesse. Et ils seront tous à mes pieds, mes jolis pieds délicats qui vont maintenant essayer la pantoufle de verre. Et regardez comme elle me va. Enfin, c’est un peu dur quand même. Mais, bon, je contracte mes orteils, je rentre le talon, je comprime la voûte plantaire. Aïe, j’ai mal, j’ai mal, mais comme le dit l’adage, « il faut souffrir pour être princesse ». C’en est trop… le pied explose, la chaussure s’envole. Tout espoir est perdu…. Non, pas pour ma mère qui, sournoisement, avec sa canne malfaisante, fracasse la chaussure qui maintenant vole en éclats.
Et c’est à ce moment de désolation pour le Grand Chambellan, lorsque les trémolos de ses sanglots se mêlent aux cliquetis de de ses médailles, que l’impensable arriva.
Cendrillon apparut en haut de l’escalier. Mais de quoi elle se mêle celle-là ? On ne lui a rien demandé. Et comment elle a pu sortir de sa mansarde ? C’est encore un coup de ses amies les souris. A quoi il sert le chat Lucifer. Pourquoi on le nourrit ce mauvais, ce parasite, si ce n’est pour faire régner l’ordre dans la maisonnée ?
J’hallucine ! Cendrillon, calmement, avec le plus grand naturel, sort de sa poche….. la deuxième chaussure. Elle lui va comme un gant, je dirais même comme une Louboutin sur mesure…... Alors quoi ! Cendrillon, cette souillon, sera Princesse. La Princesse de notre Prince charmant…. Calme-toi Javotte, une histoire comme ça, ça n’existe que dans les contes de fées…….
P.-S. :
Ne pleure pas Javotte, tout espoir n’est pas perdu. Tu trouveras chez Jimmy Choo l’exacte paire (oui, les deux chaussures) de la jolie pantoufle de verre de Cendrillon, « cet escarpin à talon aiguille, couvert de luxueux cristaux Swarovski ». Il t’en coutera 3900 euros. Mais choisis bien ta taille cette fois-ci..."
Blandine