Journal de la Dream Box 18 avril

Comme toutes les semaines, je suis allée recueillir des messages du public dans ma Dream Box. Mais aujourd’hui, j’ai privilégié la qualité à la quantité. Autrement dit, j’ai accordé plus de temps à chaque rencontre. Et nous avons parlé de vos rêves de jeunesse, des miens, de leur devenir. Et du sentiment suscité par cette plongée intérieure à la rencontre de celui que nous étions autrefois. Lors de ma première permanence, je pensais trouver du rêve, de la joie, voir des yeux pétiller, des rêves insensés affluer. Au lieu de quoi j’ai quelquefois été confrontée à de la douleur, de la nostalgie. Comme si tout était fichu. Je me suis rendu compte que solliciter le public, tendre un stylo et une feuille de papier, c’est prendre des risques. Que je m’expose à toutes sortes de réactions, d’émotions.
La question qui revient souvent est : que va devenir mon rêve, mon message, une fois que je l’aurai glissé dans la Boîte à Rêves ? La question ne serait-elle pas : qu’est devenu votre rêve ? Et dans votre question quant au devenir de votre message, transpire l’angoisse de décevoir l’enfant qui sommeille en vous. Tandis que pour certains, moins nombreux, la réponse et le geste jaillissent spontanément, pour d’autres, le chemin s’avère plus douloureux. Vous demandez à vous asseoir, vous vous repliez sur une marche ou dans un coin et réfléchissez seuls. Alors je me place en retrait et je vous laisse à vous-même. C’est ce moment précis que je cherche à provoquer. Je vous offre un instant avec vous-même, ce dialogue avec votre for intérieur, une amorce de bilan. Et si certains reviennent en entamant un dialogue, d’autres rient, retrouvent les mots d’enfants, "docteur pour animaux" suivi de "comment ça s’appelle, déjà ?". Une mère a reproché à sa fille adolescente de nourrir le rêve d’avoir un chien. Devant l’embarras de la jeune fille, j’ai cru bon de préciser que son rêve, au moins, elle pourra aisément le réaliser. Mais non, la mère souhaite de l’ambition pour sa fille, qu’elle se casse les dents sur de vastes projets frustrants. "Et après, une fois son rêve abordable réalisé, elle n’aura plus de rêve." La maman a peur que sa fille se satisfasse d’une vie modeste. "Eh bien, après, elle en créera d’autres, des rêves. Elle sera plus confiante parce qu’elle se saura capable de les concrétiser." Un ange est passé...
Un jeune homme m’a gentiment reproché d’avoir réveillé en lui une envie de paternité non assouvie. "Mais vous n’avez que trente ans, ce n’est pas trop tard. Au contraire, maintenant que ce rêve est remonté à la surface, faites en sorte qu’il se concrétise."
Alors pour rire, quand on me demande ce qu’il adviendra de leurs rêves, je réponds qu’il ne me reste plus qu’à les concrétiser. Peut-être n’est-ce pas si absurde. Peut-être vous ai-je guidé sur le premier pas. Se rappeler à soi-même. Vous aiguiller dans la direction dont la vie vous a écarté. Peut-être. Je ne le saurai probablement jamais mais je peux toujours l’espérer.
Créer ces moments hebdomadaires est devenu précieux pour moi. Car en temps normal, je travaille chez moi, seule. Avec des collaborateurs "à distance". Ainsi, me frotter aux autres toutes les semaines me paraît salutaire. Cela me galvanise. Je suis capable de provoquer de beaux moments. Il n’est pas impossible qu’à travers l’écriture, j’engendre chez le lecteur d’autres beaux moments, mais il est rare qu’il m’en fasse part. Il y a le livre entre nous et pour accomplir ce chemin physique qui relie le lecteur à l’auteur, il faut un soupçon d’audace, d’esprit d’aventure, il faut sortir du carcan auteur assis seul dans son bureau/ lecteur lointain et anonyme. Il se passe des choses magiques dont je ne souhaite pas, pour l’instant, analyser tous les tenants et aboutissants.
D’un point de vue pratique, je vous demande également de tenir un stylo, d’utiliser les cinq doigts de votre main et non plus uniquement l’index ou le pouce, et de tracer, de graver sur du tangible. Puis de donner, de déposer dans une boîte close. Ensuite, vous ne verrez plus ce petit message. Mais il suffit que je signale que mon but consiste en outre à simplement vous faire écrire à la main pour que tout se débloque. Pas une seule personne du public n’y voit à redire. Et c’est rassurant, cela vous fait manifestement du bien d’écrire à la main. J’avais prévu de photographier le geste, vos sourires qui l’accompagnent, votre mine enfantine à l’idée d’écrire sur du papier. Et puis j’ai oublié, occupée que j’étais à vous observer, j’ai vécu l’instant, tout absorbé et j’en suis ressortie plus forte que jamais pour affronter cette drôle de jungle qu’est le chemin de l’écrivain.
A très bientôt.

27 avril 2019
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