La carne de bord > Morceaux choisis _ 5

MORCEAU 5
17 AVRIL ¬— ABSCONSFINEMENT




je traîne dans le cnrtl comme on traîne au bar
> stylistique :
…..si l’abscons est toujours difficile, l’approche en est peu sà»re ou improbable, le plus souvent impossible.


18 AVRIL — SUSPENSION



Résidence numérique/collèges de Staë l et Montgolfier/Maison de la Poésie.
F de Fantôme… je croyais pas si bien choisir mon thème… c’est pas si souvent que mon « aspiration  » colle au réel…ça m’aide pas plus, mais ça doit me contenter… quelque part… forcément…
F de Fantôme > on était en train d’aborder la question sous l’angle politique, social. J’avais prévu de regarder Les invisibles avec eux. D’aborder ce texte-là de Patrick Chatelier... et... paf, le chien ! Encore une fois, ça explose et se volatilise.
…
…
Est-ce que c’est confinement ? Est-ce qu’on est en vacances ?
Les ateliers d’écriture de nouveau arrêtés brutalement, je ne sais plus qui est fantôme.
Je me dissous, me dilue, je m’évapore.
Je crois que ça m’emmerderait vraiment de revenir avec des pieds.


19 AVRIL — PRENDS CARNE A TOI
(SUR LA CARMEN DE BIZET)
John Stuart Mill, dans son essai Pensées sur la diversité poétique écrit : « La particularité de la poésie nous paraît résider dans le fait que le poète est dans l’ignorance la plus totale de l’auditeur.  »
..
Parle àqui la carne, s’adresse àqui ?
@sara d’aujourd’hui ?
— mais t’es pas là
@jeanne d’hier ?
— elle vient plus, ça marche pas,
@dieu ?
— pfffff…
@hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !
— je ne réponds même pas
..
..
@sara — Je pourrais t’inventer et m’adresser @sarajane ?
Tête coincée entre les écouteurs, le ciel s’assoit au ventre.
Doigts de pieds en éventail.
(le ciel, pas moi)
Sarah Jane Morris sur un texte de Nick Cave.


20 AVRIL — A PORTEE DE
Je ne vois pas de différence de principe
entre une poignée de main et un poème.

— Paul Celan
Le Méridien et autres proses, Paris, Seuil
..
Sur le principe, moi non plus, Polo.
Sur le principe.
…
Sauf que se serrer la main soi-même, ça fait pitié.
Pourquoi j’attends quelqu’un ? Lubie tourne àl’obsession.
Je ne reconnais plus ma solitude.
…
La chambre ne (me) repose de rien.
Le lit pue l’isolement.
Habitare secum.
Je ne compte plus les avis d’expulsion.
Vade retro, Pascal !
La poésie ne (me) console de rien.

Et pourtant.

Poème tendu vers l’autre.
Tendu par l’autre.

« Le lyrisme d’aujourd’hui est critique en ce qu’il exprime un état critique du sujet, interroge la capacité proprement articulatoire du langage, lie étroitement le désir àsa défaite, la postulation àl’insatisfaction, et inscrit l’interrogation au voisinage de l’exclamation. Il constitue ensemble un espace de quête, d’interpellation et de questionnement. Faute de pouvoir continuer àse définir comme puissance de célébration, il tend àdevenir puissance d’examen. Il s’en prend àla réalité tout entière. Il en poursuit l’étude, en recherche les défauts, en observe les jointures. Il se retourne sur et contre lui-même. Il subsiste en conflit, en procès. Espace d’un sens instable, il est partie prenante d’un travail de réévaluation et de reconfiguration de la poésie. Il y a dans son retour (ses retours) la quête d’un sens social, voire politique de l’activité d’écriture. C’est un lyrisme malgré tout, qui explore un état critique pour l’intensifier, l’aggraver et non pour aboutir àla résolution euphonique des apories. »

Pour un lyrisme critique, Jean-Michel Maulpoix,
éd. José Corti, Paris

Je ne veux rien de plus que cet
àportée de main,
cœur
aux lèvres
au vent et sa portée de chiots
griffonnant sur ma peau
les heures tremblant par moi
leurs paumes de manque
je ne veux rien de plus que là
tête couchée dans la carne
en mouvement
– toute l’inertie du combattant.



21 AVRIL - CÅ’UR PRESSANT
J’essaie d’accueillir le tumulte.
La carne et son flux de pensées cloisonnées.

@sara-jane — un geste peut-il nous appartenir ? je veux dire « vraiment  » nous appartenir ?

« Selon Simondon, l’émotion est ce àtravers quoi nous entrons en rapport avec le préindividuel. S’émouvoir c’est sentir l’impersonnel qui est en nous, faire l’expérience du Genius comme angoisse ou comme joie, comme sécurité ou comme effroi. Sur le seuil de la zone de non-connaissance, Moi doit déposer ses propriétés, il doit s’émouvoir. Et la passion est cette corde tendue entre nous et Genius sur laquelle se promène notre vie funambule. Bien avant que nous nous étonnions du monde àl’extérieur de nous, ce qui nous émerveille et ce qui nous frappe est la présence en nous de cette partie àjamais immature, infiniment adolescente et qui hésite sur le seuil de chaque individuation. Et c’est bien ce gamin évasif, ce puer qui s’obstine ànous jeter vers les autres dans lesquels nous ne cherchons rien que l’émotion restée en nous incompréhensible, en espérant que par miracle elle s’éclaircisse et s’élucide dans le miroir de l’autre. Si contempler la jouissance et la passion de l’autre constitue l’émotion suprême, la première politique, c’est parce que dans l’autre nous cherchons cette relation avec Genius que nous sommes incapables d’affronter seuls, notre délice secret et notre hautaine agonie.  »

Giorgio Agamben,. Profanations, Rivages Poche, Petite Bibliothèque.

le même jour mais — mal vu
Malgré tout, la déconvenue après un an et + de COVID me gangrène : je nous imaginais transformés. Capables de muter comme le virus, même lentement.
J’vois pas.
Je n’ai peut-être pas la bonne lunette.
Ou bien j’ai un gros truc dans l’œil.
…
Un daim mort ou quelque chose comme ça.


24 avril —
28 AVRIL — REPONSE/REPONS
Sarah Le Lay
mer. 28 avr. 14:48
À moi, Armelle, Anna
Chère Anne,
Merci pour ton message et pour toutes ces belles nouvelles !
Je te transmets ici ma réponse aux deux premiers morceaux de ta Carne de bord, qui j’espère te conviendra. Tu verras qu’il manque le lien du podcast de Mathilde Forget, nous attendons de le mettre en ligne pour que je puisse l’insérer - ou bien je modifierai cette mention.
Effectivement, cela va être compliqué de répondre au quatrième morceau, nous préparons notre réouverture et croisons les doigts pour qu’elle soit proche... Mais j’ai pris beaucoup de plaisir àte répondre et je serai heureuse de lire la suite.

(...)


@sara-jane — Il n’y a pas d’ange — l’abécéd’air > fatigue inépuisable des origines.
Réponse, subst. fem. > tout le monde voit àpeu près.
Mais RÉPONS, subst. masc. ?
Une précision peut-être ?
Étymol. et Hist. 1. Vers 1100 « parole, geste faits en retour àune parole, une demande  »
A. − RELIG. CATH., Refrain repris par le chœur, alternant, dans la psalmodie responsoriale [qui qualifie tout chant où alternent versets et répons, où se répondent soliste et chœur], avec les versets donnés par un soliste`` (Foi t. 1 1968).

@sara-jane — Où cogne ton chÅ“ur ? Est-ce qu’il répond au mien ?

30 AVRIL — CARNAGOGUE (et non carne aux gogues)
(gogues au fem. = saucisse, peut-être même ragout / au masc. = lieux d’aisance)
Fouille dans mes notes. M’agace, sais plus d’où je tire ça :

« L’enfant construit sa sécurité intérieure sur le modèle de celle qu’il trouve dans son environnement. Si celui-ci ne permet pas que s’établisse cette sécurité, il y a échec du processus normal d’attachement (J. Bowlby, 1978-1984). Il en résulte l’insécurité, la peur et le sentiment d’abandon. Winnicott parle quant àlui de l’angoisse d’effondrement consécutive àune séparation précoce vécue comme une "agonie primitive" (1974).  »

Alors en cherchant agonie dans Lalainrey, trouve en exemple d’-agogue qui la précède mystagogue que je ne connaissais pas.
Est mystagogue celui (je souligne) qui conduit les mystes, qui initie aux mystères, en particulier ceux d’Éleusis.

…ah oui ! agonie ! j’allais oublier :

Visions Particulieres Press




7 MAI — DETREMPE
Le temps mouille, m’englaise les ailes.
Même en 4 murs, même àla table.
Autant sortir.
Excursion àla Librairie du Québec.
Je reste humide mais sèche mon porte-monnaie.
Rentre l’acromion enjoué.
Me réchauffe dans Les saisons de l’ange de Jean-Paul Daoust.

Les bourgeons
Jour de mai
Les bourgeons éclatent
Petites bombes sépia
Elles tombent
Sous un soleil maladroit
Qui répand les secrets
La vie fuse et exagère
Comme toute vie sait le faire
Et dans le cœur un souvenir limpide
Parle du désastre de ce jour-là


Tire les signes vers moi comme un drap.
Ça me fait pas une aube, mais une toison de plis.
C’est déjàça.

«  Selon cette doctrine, un ange, dit Daena, préside àla naissance de chaque homme. Il a la forme d’une jeune fille très belle. La Daena est l’archétype céleste àla ressemblance duquel chaque individu a été créé ainsi que le témoin muet qui guette et accompagne chaque instant de sa vie. Et pourtant, le visage de l’ange ne reste pas immuable dans le temps, mais, tout comme le portrait de Dorian Gray, il se transforme de manière imperceptible àchacun de nos gestes, àchacun de nos mots, àchacune de nos pensées. Au moment de la mort, l’âme voit son ange s’approcher d’elle, transfigurée selon la conduite de sa vie en une créature encore plus belle ou en démon horrible. L’ange chuchote alors : « Je suis ta Daena, celle qu’ont formée tes pensées, tes paroles et tes actes.  » Par une inversion vertigineuse, notre vie façonne et dessine l’archétype àl’image duquel nous avons été créés. »

Giorgio Agamben, Profanations, Rivages Poche. Petite Bibliothèque.

Errance.
Coupable comme il faut comme je me le dois, BECAUSE JE DOIS BOSSER UTILE, y a la prochaine chronique àécrire, les ateliers « fantômes  ». Et ce dossier de demande de subventions qui.
Je vire l’erreur (étymologique) de l’errance.
M’accroche
au bras d’algue de Virginia Woolf pour troubler ce qui est inscrit dans mes os :
« L’Ange (du foyer) était mort ; que restait-il àaccomplir ? Il vous semblera peut-être que ce qu’il restait àaccomplir était simple et banal – une jeune femme assise, munie d’un encrier. En d’autres termes, maintenant qu’elle s’était débarrassée des faux-semblants, cette jeune femme n’avait plus qu’àêtre elle-même. »


« Ãªtre elle-même  »
Ange, messager de l’imaginaire.
Ce que je reçois et ressens de l’autre.
Ma version du cyborg.


…on dit offrir son amitié, mais on dit faire confiance, non ? Peut-être que l’improbable girafe que je suis tient un truc.

« Ãªtre elle-même  »
Ça pourrait donner ça :




8 MAI– JOURNEE DE LA CARNE
Je planche sur mon dossier avec pour piste un poème de Brautigan
(ça m’évite le TRANXENE) :
En ce printemps 1968,
le dernier tiers du vingtième siècle
voyageant comme un rêve vers sa fin,
il est temps de planter des livres,
de les faire passer dans le sol,
pour que des fleurs et des légumes
puissent pousser de ces pages.

C’est tout ce que j’ai àdéclarer
Le Castor Astral éditeur.

@sara-jane — Cette fois, j’avais pas envie de raconter les anciennes chroniques… et tu ne peux pas m’en vouloir, tu n’existes pas ! ;)

2 juillet 2021
T T+