Le haïbun, sur les traces de Fukushima
D’apparence facile, tout comme le haïku, l’art du haïbun n’est pas si évident : la prose et le haïku ne doivent pas se répéter ou s’illustrer. Jeux d’écho. Contraste. Allusion. Tout est une question de finesse et de suggestion.
Aujourd’hui, je marche seule dans la neige. Je pense aux haïjins, à Bashô, à Santôka, qui partent seuls en pèlerinage à travers le Japon. Les flocons sur mon visage. Les mêmes sur leur visage. Ils avancent dans la tempête. A l’aveugle. Où vont-ils ? Connaissent-ils vraiment leur destination ?
Première bruine –
J’aurai pour nom
« le voyageur »
(Bashô) [1]
Sur les lèvres rouges des Saisons (l’Amandier, 2012, rééditions unicité 2019), dont est extrait le passage ci-dessus, est le premier recueil francophone qui réunit le haïku, le haïbun et le tanka. A travers les saisons, ce sont quatre haïbun très différents : le livre s’ouvre sur l’automne, le texte décrit la solitude du poète dans sa « chambre à soi », visitée par le fantôme de son aïeule bretonne. Je n’hésite pas à prendre quelques libertés avec le genre, en y glissant cette « inquiétante étrangeté » qui définit mon écriture poétique.
Pour mon projet d’album, je désire mettre l’accent davantage sur le conte, mais un conte ancré dans la réalité et le quotidien d’aujourd’hui. Pas de fée – à moins qu’une libellule posée sur un pétale puisse l’évoquer, de manière alors indirecte. Il s’agirait de parler d’amitié, d’exil et de reconstruction après une catastrophe.
Bientôt huit ans -
La balançoire immobile
Fukushima
[1] Haïku extrait de l’Anthologie du poème court japonais, traduit par Corinne Atlan et Zéno Bianu (Poésie/Gallimard).