Les Amérindiens

Les Amérindiens avant la conquête de l’Ouest
— Texte élaboré avec les élèves de la classe Anne Franck de Magny-en-Vexin


Je suis chaman. Je me nomme Bison-futé-poil-rebroussé. Rien ne va dans mon patronyme. Je prépare les potions àbase de baies et de plantes grasses. Ma vie, ma valeur, mon âme même est curative. Rien qui n’ait trait aux animaux. Pas de castors, ni de loups, ni d’aigles, aucun bisons pas mêmes poissons. Pour dire le fond de ma pensée, ce manque d’imagination pour nous nommer est effrayant. Et malgré toutes mes tractations auprès des miens, aucun moyen de le changer. Il me faut donc le supporter. Alors bien sà»r, me direz-vous, dans l’apparat d’un bon sorcier, il y a les cornes et la fourrure d’un bison mâle. Et c’est vrai que pour qui sait les porter, àla lueur des feux ça fait son petit effet. On m’a souvent dit que costumé je faisais vraiment… « sorcier  ». En résumé, j’étais pas mal. Mais, de lààen faire un particularisme si important qu’il faille me prénommer de la sorte… Je trouve que c’est vraiment n’importe quoi.
Oublions cela un instant pour discourir sur notre vie dans les tribus avant qu’arrivent nos ennemis. Entre nous, il faut dire vrai, nous n’avons jamais su nous entendre. De guerres en guerres tant de conflits nous ont détruits. Pour un bison trop faisandé, la main d’une femme refusée ou simplement pour tuer le temps, mes camarades s’entretuaient. Moi le soignant en ces temps-là, je travaillais sans m’arrêter. Tout le temps. A toutes heures du jour et àtous quartiers de lune. Ici un scalp àrecoller, làune mâchoire àré-axer… un bas du dos perclus de douleur, de graves blessures àvous faire peur. A la routine des viandes mal cuites et indigestes, s’ajoutaient les soirées passées torses nus pour faire plus guerriers et qui vous flanquent un nez qui coule et des quintes de toux pendant des semaines, les blessures d’enfants, les soins des anciens et les grosses àsurveiller… Bison-futé-poil-rebroussé n’arrêtait pas de travailler ; de choyer et de guérir ; de couver et réconforter… De réparer àtour de bras. D’horribles fractures, croyez-moi. Et pour tout dire, j’étais bien plus àl’aise avec les perforés par balles. Souvent celles-ci traversent les chairs et le soin se fait d’un bandage. Bien sur les gros calibres fracassent les os, rompent les organes, mais les petits sont moins méchants. Et puis, avez vous jamais tenté d’extraire une flèche ? L’opération fait plus de mal qu’elle ne soigne. Un vrai calvaire que cette affaire, croyez-moi ! Je ne vous parle même pas des coups de hache. Celles-ci, peu entretenues, blessent et charcutent mais rarement tuent. Non… Pour la bravoure les Indiens sont fantastiques mais pour la guerre nos ennemis nous surpassent, il faut être honnête. Moi je n’aime pas la guerre. Je sais soigner. J’exerce mon don mais n’en éprouve aucune passion. Mes émotions sont dans les plantes. En décoctions, onguents, sirops, on peut rendre du tonus, soigner un dos, apaiser l’âme ou mettre en transe. Mais bien plus encore elles font merveille en maquillage et autres traitements de peaux, de cheveux, ou mêmes pour les dents. La menthe poivrée, ma préférée fait le ravissement des enfants.
Voilàpourquoi moi, Bison-futé-poil-rebroussé, je préfère les bienfaits des plantes pour les enfants que le drame des lames qu’avec fureur les hommes se plantent violemment.

6 août 2022
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