Les Saisons
J’avance dans l’écriture des Saisons : une plongée théâtrale en trois épisodes dans le monde des travailleurs agricoles saisonniers. L’ensemble sera joué en extérieur par le Collectif La Fugue à partir de 2025.
Trois épisodes, trois saisons et non pas quatre. L’une d’elles sera absente, disparue pour les saisonniers, l’été s’annonçant bien trop chaud pour qu’il reste quoi que ce soit à récolter.
Une cueillette d’abricots prématurée, en urgence - un mois de mai qui ressemble à un mois de juillet.
Un champ de vigne - par temps de gel.
Une récolte d’huîtres en bord de mer - un automne tiède.
D’un épisode à l’autre : la question d’un incendie initial (accidentel ?) dans un camion d’habitation. Et le périple de Yuna, jeune saisonnière.
Les communautés éphémères créées par le hasard du recrutement saisonnier : des étudiants de la grande ville ; des ruraux sans emploi fixe ; des saisonniers qui se déplacent toute l’année en fonction du travail, des légumes, des fruits ; des travailleurs venus d’autres pays, souvent maltraités par des agences contournant le droit du travail français. Comment cohabitent ces profils si différents au pic des cueillettes ?
Le départ et le retour sur une exploitation, les équipes qui se font et se défont ; les collègues que l’on retrouve six mois après à des centaines de kilomètres de la dernière fois, et ceux qu’on ne revoit jamais.
Une écriture qui demande aux comédiens de passer très rapidement d’un personnage à un autre, de faire exister par la langue et le jeu une multitude d’espaces : les vergers, les champs où on bosse ; les lieux où on loge, où on campe ; les camions ; les hangars ; les prés où s’improvisent des fêtes…
Un motif important : la fête. La nécessité des rituels, de se rencontrer et de se rassembler. La porosité entre cela et le besoin de s’oublier, de s’anesthésier physiquement et moralement quand les conditions de vie sont dures.
Parmi les matériaux pour écrire : les souvenirs de mes tout premiers jobs ; des entretiens menés récemment auprès de travailleurs saisonniers et d’une jeune vigneronne ; des documentaires, radio surtout ; un groupe de recrutement et d’entraide de saisonniers sur un réseau social ; Catherine Poulain, John Steinbeck…
Au lycée Utrillo de Stains, en Seine-Saint-Denis, les jeunes ne se voient pas tellement partir faire les vendanges ou les abricots pour leur premier job. Peu d’entre eux pensent connaître des saisonniers agricoles - en France du moins, car plusieurs m’ont parlé de la récolte des olives au Maroc, où vivent des membres de leurs familles. Ils sont en tout cas sensibles aux questions traversant la fiction Les Saisons, et se prêtent au jeu de me lire à haute voix le texte en cours d’écriture (c’est très précieux : l’entendre lu par d’autres, le détacher de moi pour mieux le reprendre). Les terminales option théâtre vont aller jusqu’à en interpréter des fragments.
Je propose à certains groupes d’écrire à leur tour, à partir de photos de saisonniers notamment.
Nous lisons également ensemble d’autres de mes textes, et les textes d’autres auteurices qui m’ont marquée.