rencontre, fin septembre 2022
Ici, dans cette résidence du lycée Fresnel, dans le 15e arrondissement de Paris, je me trouve face à des groupes d’une dizaine d’élèves. Et je regarde ces jeunes gens avec en tête, peut-être une simple obsession de ma part, qu’il est impossible de partager un monde de l’écriture, dans une société qui valorise exclusivement l’image, et notamment la vidéo. Les gens vident leurs maisons des livres qu’ils y ont accumulés au fil des ans, à mesure que le monde de l’image s’immisce dans les coins les plus reculés de leur vie.
Je me trouve face à ces jeunes gens, et je sens un malaise, celui de venir représenter dans ce lycée une toile de papier où on compose ses sentiments, ses émotions et ses histoires : quel sens cela peut-il avoir ? Au fil du temps j’ai élaboré des stratégies comme d’éviter de parler de théâtre, puisque j’écris du théâtre, ce qui est encore plus difficile à expliquer que le métier de romancier, et j’ai la sensation en moi que j’entame une randonnée en haute montagne, où il va falloir grimper longtemps avant d’éprouver le plaisir du paysage au sommet et la satisfaction du trajet accompli à la descente.
Et pourtant, malgré ces réticences qui me viennent chaque fois, je découvre avec incrédulité une grande curiosité et une empathie, comme s’ils comprenaient en quelque sorte de quel mal je souffre : l’écriture. Il y a une élégance dans l’acceptation de jouer le jeu des ateliers, de faire ce décorticage de l’esprit que nécessite le fait de raconter une histoire. Ils acceptent, et pratiquent volontiers les exercices proposés, parce qu’ils sont gentils. Mais aussi, et je le découvre petit à petit, ils sont curieux. Ils veulent connaitre. Mais ils veulent connaitre comme on veut connaitre à leur âge, c’est-à-dire en feignant l’indifférence.