Thème 4 — "Nous sommes toutes et tous des autochtones"

Auto — chtonos
Soi et la terre
Personne originaire du pays où elle habite

Mais quel est-il donc ce pays que l’on habite ?
Quel est-il le pays des habitantes et habitants de Paris Nord ?
Et ce « pays  », l’habite-t-on vraiment ? Ne nous contentons-nous pas d’y survivre ou de le consommer ?

Pour la dernière thématique de cette résidence, j’avais envie d’ouvrir la voie àun double mouvement. D’une part, ressaisir les différents univers explorés collectivement depuis janvier (villes écologiques, non-humains, soin des relations). De l’autre, les prolonger et les enrichir encore un peu — tenter, modestement, d’arroser ces quelques graines.

Car où habitons-nous ?
Individuellement et collectivement.
Le savons-nous vraiment ?
La provenance de l’eau de notre robinet, le nom de la flore endémique qui nous entoure, le calendrier lunaire, la qualité de la terre arable sous nos pieds,…

Tous nos Å“ufs sont dans le même panier : pris et prises dans la toile des supermarchés, des énergies fossiles, de l’électricité atomique et du béton synthétique. Nos seuls modes de vie, notre simple participation àla consommation généralisée (même sobrement) est la matrice d’une exploitation et d’une destruction sans précédent du vivant, sur toute la planète.

Depuis leurs quelques confins restants, les peuples autochtones nous regardent assurément d’un drôle d’œil. A la fois coléreux (car notre docilité détruit leurs milieux de vie) et interloqué (car nous flottons au-dessus du sol, comme une société sans terre).

La situation est hautement complexe. Et personne n’a de réponse claire àla question qui s’impose : comment bien lutter ? Comment revendiquer et nous réapproprier tout ce qui nous semble collectivement nécessaire ? Comment nous assurer de pouvoir, toutes et tous, bien vivre ?

On a beau tourner et retourner le problème dans tous les sens : nous sommes enferré·es. Piégé·es comme ces mouches qui se cognent obstinément sur la fenêtre.

Oui mais…

Oui mais la fenêtre ne restera pas éternellement fermée. Il est probable qu’elle soit entrouverte et qu’on ne le voit pas (c’est ce qui arrive souvent aux mouches, non ?). Et si elle est bel et bien fermée, les secousses qui s’annoncent en briseront assurément le verre.

Que ferons-nous alors ?
Y avons-nous bien réfléchi ?
Qu’attendons-nous ? Et vers quoi nous dirigeons-nous ?

Les décennies àvenir seront de plus en plus troublées. Il n’y a pas de doute là-dessus — le climat social et météorologique est d’ores et déjàbouleversé. Il nous faudra donc faire des choix (làencore, individuels et collectifs).

Face àcette multiplication annoncée des fronts de lutte, nous devrons élaborer de nouvelles stratégies, de nouveaux outils, peut-être même de nouvelles armes.

En cela, les peuples autochtones des quatre coins du monde sont des sources d’inspiration et de révolte. Elles et eux qui vivent dans des régions souvent inhospitalières depuis des siècles. Elles et eux qui se battent, làencore depuis des siècles, souvent au péril de leur vie, pour sauvegarder des relations harmonieuses avec le reste du vivant.

Tout comme elles et eux, c’est une culture populaire radicale que nous devons protéger, enrichir et réinventer. Une contre-culture d’autonomies collectives qui nous remette sur le chemin de l’autochtonie. Sur la voie de toutes ces communautés humaines qui, partout sur la planète depuis la nuit des temps, ont habité respectueusement la terre sur laquelle elles sont nées.

En Europe occidentale, il nous faudra assurément désindustrialiser et désurbaniser pour pouvoir nous reconnecter aux écosystèmes sans les détruire. Une myriade de mouvements, bien que marginaux, va déjàdans ce sens : vers les autosuffisances alimentaires locales (comme les Amaps), les autonomies énergétiques communales (comme Enercoop), la mise en commun du foncier (comme les Community Land Trust), les luttes de territoires (comme àNotre-Dame-des-Landes et ailleurs),... Et sà»rement devons-nous nous efforcer des les soutenir, les renforcer et les multiplier.

Dans leur sillage, et malgré la tempête qui nous cerne, notre cap est clair : contre toute forme d’accaparement, nous devons réhabiter.

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Plus d’informations sur les animations et la bibliographie dédiée sur le site du Rideau rouge.

Photo d’en-tête : "Sourvakari" (Bulgarie), Charles Fréger, Wilder Mann, 2010.

8 octobre 2020
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