une fois une orange
il y avait une fois une orange. elle était orange et elle pleurait. elle roulait et pleurait et elle ne parlait pas. ce n’est pas elle qui écrit cette histoire, c’est moi.
un jour elle tombe dans l’eau et elle flotte. l’eau douce est dans une bassine en métal en forme de bol avec une hanse. il fait beau et froid autour.
des cheveux blancs sont accumulés avec de la poussière sur un dessus de bureau près du sol le long d’un lit à rouler. l’orange flotte et elle pleure. elle est alphabétisée. ses larmes sont plus lourdes que l’eau, elles tombent au fond de la bassine pour faire de la mousse. mon frère me demande de lui brosser les dents (mais c’est un prétexte). il y a beaucoup de mousse et elle est grise. l’orange orange est pleine de saison. ses sœurs et demi-frères roulent sous les arbres amers. il n’y a pas de renard qui approche. il y a du vent. les lombrics dont je croyais qu’on ne prononçait pas les consonnes finales (un /k/ est un k et l’orange n’en a pas), les contournent. quelque chose raconte une histoire pour ne pas parler en mousse. concentrons-nous sur l’orange qui flotte, plus amère et plus légère que l’eau. elle dérive très lentement sur une surface d’eau plane au milieu du parc. un grand parc dans lequel vous êtes empêtré.e avec un aspirateur industriel à feuilles. le temps que ça vous prend de remettre le tuyau dans l’aspirateur, le parc est fermé. en tapant contre l’immense plaque en métal très haute et très longue que le gardien a verrouillée, julie vous ouvre. elle est en train de répéter avec d’autres danseuses son faon, une histoire de sacrifice de l’autre côté de la plaque. ne pas dire onfinemen pour le gnorer. mais enfermée dans son panier, le soir onfine toute la journée. julie dit qu’elle va bien avec deux collants les uns sur les autres et un short de tennis en dessous. elle aimerait se promener avec un mouton sur les épaules en lui tenant les pattes à deux mains pour son mariage. enlèfe des lettres entre le c et le t et faiz comme si c’était ormal sans n. et c’est bienormal. l’orange est normale, l’eau est normale, le faon est normal, tout coule normal dans le béton souvenir. sauf un minuscule insecte rouge qui sort d’une paire de chaussettes de 6 mois roulées en boulette. il se mue à vue en libellule naine avec 6 descendantes, survolées de fées clochettes. puis ce monde subtil cuit dans une porcelaine de la taille d’une phalange. elle brille en couleur. le conte est à jour.
il faut se lever. votre colocataire est parti tourner dans un film porno entre 11 et 15 heures. en un tournage, il paie le loyer. il ne pleure pas, car porno n’est pas une couleur, il badigeonne le fond de la bassine. et ?
c’est le printemps. les voisins d’en face font une fête les fenêtres ouvertes et à l’intérieur des pièces, les humains se pressent les unes contre les autres. ça rit et bon anniversaire dans la nuit les bus passent. samedi on éteint le chauffage. l’orange est seule. elle reprend flotter pleurer sécher rouler une sirène de police. il fait trop chaud dans le lit à 9h41. au centre d’action sociale de la ville de paris un poème = une heure. solange juin erre dans le couloir et dit : je n’arrive pas à m’adapter. je voudrais retourner dans le 7e. la rue saint dominique, le monop, ah là là, mes petites voisines mon petit voisin. je n’arrive pas à m’adapter ici, je ne parle à personne, je regarde la télé. en résidence dans la région île de france elle écrit le poème collectif du mardi 23 février :
c’est trop tard
je vais souvent au rez-de-chaussée
pour voir les voitures et les piétons passer.
on parle des gens quand ils sont encore vivants
est-ce que brigitte bardot est morte ?
je ne sors plus parce que j’ai peur de tomber.
c’est à l’école, tel fable, il fallait l’apprendre
ma mère me faisait répéter répéter
au Sénégal les fables de la Fontaine.
les gens qui sont croyants
en quelque chose de bon
arrête, il faut, sois patiente
il faut que tu sois sûre
sabbr & hak
il y avait le coran et l’ancien testament
la philosophie de la maison c’était l’hlm.
le lendemain, l’orange coule. j’arrose l’île de france avec l’eau de son bain. je roule dans une rue vide. le feu me couvre. tu disparais.