Vous les connaissez ? Contes ramassés ici et là

Cette sorte de partition à performer est destinée aux étudiants qui y réagiront par leur propre création, établissant ainsi un dialogue avec Emmanuel Moses. Le tout sera publié par les éditions Al Manar et donnera lieu à une lecture en fin d’année universitaire.

© Marie-Madeleine Bonnaud


Vous les connaissez ?
Contes ramassés ici et là

Extrait 2 :
Conte n° 2


Le maître conteur

Il était une fois... Cette histoire est très compliquée alors pour ne pas vous embrouiller je vais la simplifier. Pardon à celui dans le cerveau de qui elle est née, s’il m’entend, du paradis des conteurs où il demeure sûrement.
Il était donc une fois une reine qui, n’ayant jusque-là que des fils, donna naissance à une adorable petite fille. Enfin, adorable, c’est vite dit. Attendez voir. L’adorable petite fille, dès qu’elle eut ses adorables petites dents de lait, se mit à tout dévorer. Les animaux du château, puis ses frères, ses parents et pour finir tous les habitants du village. Je précise qu’il s’agissait d’un tout petit royaume, qui s’étendait uniquement au village qui l’entourait. Bon, on dit bien que la taille ne fait rien à l’affaire…
Seul survécut le benjamin des princes et il décida de faire le guet pour découvrir qui avait tout dévoré, en l’espace de quelques jours.
Vers minuit, alors qu’il était posté derrière un arbre, il vit la princesse entrer dans l’écurie royale. Il s’approcha à pas de loup et, horreur ! il trouva sa sœur, la bouche ensanglantée, en train de mordre à pleines dents, dents de lait, je le rappelle, dans la chair d’un cheval déjà à moitié mort.
Il prit son fusil, tira et comme c’était la première fois qu’il utilisait une arme à feu, parce que c’était plutôt un intello, paisible et rêveur, un prince poète, en somme, il s’évanouit aussi sec.
Quand il revint à lui, sa sœur cannibale avait disparu mais à côté du cheval aux entrailles encore fumantes, il aperçut un doigt, l’auriculaire de sa sœur…
Effrayé, craignant pour sa vie, il s’enfuit alors à toutes jambes.
Bon, je vous la fais courte, il quitta le pays, se maria avec une princesse étrangère, et un jour, un brin nostalgique, malgré le traumatisme qu’il avait subi, il décida de revenir dans son royaume de poche dont il n’avait plus aucune nouvelle.
Devant le palais désert il tomba nez à nez avec sa sœur. Celle-ci était en train d’aiguiser ses dents qui luisaient comme des lames des couteau.

Une comédienne et un comédien

La sœur : Ah ah, tu arrives à point nommé ! J’ai une faim de loup et je n’ai rien eu à me mettre sous la dent depuis des semaines !
Le frère : Sous les dents, plutôt, non ?
La sœur : Ce n’est pas le moment de faire de l’humour, frérot. Qu’as-tu fait de mon petit doigt ? Il me manque beaucoup…
Le frère : Je l’ai mis en pendentif autour du cou, tiens, regarde !

Le maître conteur

La sœur, blême de rage et de faim, s’approcha de son frère, les lèvres retroussées mais plus rapide, celui-ci grimpa au sommet d’un arbre, passa sur un autre en sautant d’une branche à l’autre, comme Tarzan, puis sur un troisième et alors que la sœur commençait à ronger le tronc de l’arbre, un chêne, je crois bien, arrivèrent les chiens du prince, que lui avait envoyés son épouse, en leur donnant une de ses chaussettes à flairer pour qu’ils retrouvent sa trace, et ils se jetèrent sur la sœur cannibale, la gueule grande ouverte, n’en laissant pas même un doigt…

15 février 2021
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