« Bienvenue chez nous. »
Une odeur de fruits pourris force mon nez.
Une odeur de compote oubliée dans un vieux frigo tombé en panne me flanque la nausée tandis que je serre Martin dans mes bras. Cela fait trois mois qu’on ne s’est pas vus.
Il attrape mon sac à dos sur le tapis roulant qui ne roule plus, me tend sa main burinée par les tropiques et me guide hors de l’aéroport jusqu’à sa bagnole. Dehors, les palmiers ne jettent aucune ombre.
Tandis que ma tête cogne la vitre à chaque trou de la route, il me raconte ses trois mois passés loin de moi, son nouveau job, l’adaptation, les mentalités, les enjeux. Enfoncée dans mon siège en cuir, les cuisses collantes, la transpiration poivrée, je n’écoute rien. Je n’écoute rien et je fixe son profil. Est-ce qu’il a changé ? Son visage a pris les couleurs de la terre sur laquelle le 4x4 rebondit et je cherche des traces de familiarité. Où est l’homme que j’aime ?
Arrivés dans la ville, il pointe chaque place comme un guide touristique regarde comme c’est beau, et je me sens minuscule. Qu’est-ce que je fous là ?
Sa voix vrille dans les aigus lorsqu’on traverse le marché, me désignant les robes colorées en veux-tu en voilà comme un défilé de mode, et j’attends le moment où il va me prendre à nouveau la main. Poser ses doigts tièdes sur ma cuisse. Il faisait ça quand il conduisait, avant.
Mais il s’arrête devant une grande grille gardée par un homme sans âge en chemise grise déchirée comme sorti du trottoir. Le pot d’échappement gronde tandis qu’ils échangent un sourire, avant de nous laisser entrer.
L’immeuble ressemble à un champ de ruines et je ravale mon angoisse. Alors, c’est ici que je vais vivre ? Je guette un signe dans les yeux de Martin mais il est déjà en train d’ouvrir la porte.
Bienvenue chez nous, claironne-t-il. Le dernier mot me redonne de l’espoir.
Mais pourquoi est-ce que je le sens si loin de moi, alors ?
Une odeur de compote oubliée dans un vieux frigo tombé en panne me flanque la nausée tandis que je serre Martin dans mes bras. Cela fait trois mois qu’on ne s’est pas vus.
Il attrape mon sac à dos sur le tapis roulant qui ne roule plus, me tend sa main burinée par les tropiques et me guide hors de l’aéroport jusqu’à sa bagnole. Dehors, les palmiers ne jettent aucune ombre.
Tandis que ma tête cogne la vitre à chaque trou de la route, il me raconte ses trois mois passés loin de moi, son nouveau job, l’adaptation, les mentalités, les enjeux. Enfoncée dans mon siège en cuir, les cuisses collantes, la transpiration poivrée, je n’écoute rien. Je n’écoute rien et je fixe son profil. Est-ce qu’il a changé ? Son visage a pris les couleurs de la terre sur laquelle le 4x4 rebondit et je cherche des traces de familiarité. Où est l’homme que j’aime ?
Arrivés dans la ville, il pointe chaque place comme un guide touristique regarde comme c’est beau, et je me sens minuscule. Qu’est-ce que je fous là ?
Sa voix vrille dans les aigus lorsqu’on traverse le marché, me désignant les robes colorées en veux-tu en voilà comme un défilé de mode, et j’attends le moment où il va me prendre à nouveau la main. Poser ses doigts tièdes sur ma cuisse. Il faisait ça quand il conduisait, avant.
Mais il s’arrête devant une grande grille gardée par un homme sans âge en chemise grise déchirée comme sorti du trottoir. Le pot d’échappement gronde tandis qu’ils échangent un sourire, avant de nous laisser entrer.
L’immeuble ressemble à un champ de ruines et je ravale mon angoisse. Alors, c’est ici que je vais vivre ? Je guette un signe dans les yeux de Martin mais il est déjà en train d’ouvrir la porte.
Bienvenue chez nous, claironne-t-il. Le dernier mot me redonne de l’espoir.
Mais pourquoi est-ce que je le sens si loin de moi, alors ?
Sandrine Roudeix
Mes cuisses sont à présent collées au cuir brûlant du fauteuil rouge du 4X4. Je ferme les yeux et me laisse caresser par le vent chaud et humide. Tout est calme, le ronronnement du moteur me berce tendrement.
Il m’attrape doucement la main et la serre très fort contre sa bouche avant de l’embrasser. J’ouvre les yeux et je le vois de profil. Il est droit et concentré. Je pose ma tête contre sa poitrine et regarde les fantasques nuages qui s’amusent et dansent au rythme du moteur. Je pense à Antoine, il est à Paris en ce moment, je me demande ce qu’il fait. Il doit être chez lui, penché au rebord de sa fenêtre ou même sur son toit en train de fumer une clope. Il fume trop. Il me manque. Pourquoi suis-je partie avec Paul ? Cela fait un an que je le trouve sinistre. Je dois lui dire que nous ne nous reverrons plus à notre retour. Tout ce qui me plaisait chez lui s’est évaporé. Pourtant je l’aimais. C’est étrange. Comment pouvons-nous tant mépriser quelqu’un que l’on a tant aimé ?
« Ça va te plaire, tu vas voir » me chuchote-t-il à l’oreille. « Je te connais si bien », il ajoute.
J’ai envie de lui répondre que non. Il connaît mieux sa bagnole.
Demain je partirai.
Le moteur se tait. Il va encore falloir faire semblant et descendre.
« Bienvenue chez nous » me dit-il. Je referme les yeux. « Mon Dieu. »
Il m’attrape doucement la main et la serre très fort contre sa bouche avant de l’embrasser. J’ouvre les yeux et je le vois de profil. Il est droit et concentré. Je pose ma tête contre sa poitrine et regarde les fantasques nuages qui s’amusent et dansent au rythme du moteur. Je pense à Antoine, il est à Paris en ce moment, je me demande ce qu’il fait. Il doit être chez lui, penché au rebord de sa fenêtre ou même sur son toit en train de fumer une clope. Il fume trop. Il me manque. Pourquoi suis-je partie avec Paul ? Cela fait un an que je le trouve sinistre. Je dois lui dire que nous ne nous reverrons plus à notre retour. Tout ce qui me plaisait chez lui s’est évaporé. Pourtant je l’aimais. C’est étrange. Comment pouvons-nous tant mépriser quelqu’un que l’on a tant aimé ?
« Ça va te plaire, tu vas voir » me chuchote-t-il à l’oreille. « Je te connais si bien », il ajoute.
J’ai envie de lui répondre que non. Il connaît mieux sa bagnole.
Demain je partirai.
Le moteur se tait. Il va encore falloir faire semblant et descendre.
« Bienvenue chez nous » me dit-il. Je referme les yeux. « Mon Dieu. »
Elka
Depuis le 4X4, je peux admirer une maison au loin, celle qu’il a héritée de ses parents. Elle devra être rénovée, à ce que je vois, mais elle a l’air grande et n’est pas si loin de la ville.
J’aperçois de jolis détails dans l’architecture. Des colonnes. Elle a une couleur orange un peu vieillie mais qui lui donne un certain charme. Elle ressemble à la maison de ma grand-mère dans le Sud, celle avec les volets bleus. « Il y a une piscine ? » je demande, en pensant à cette chaleur étouffante et ce soleil qui tape. Il me répond qu’on en fera construire une bientôt si j’en ai envie. La terre est aride ici mais ça n’empêche pas les arbres de pousser. Il y a d’ailleurs un magnifique baobab à côté de la maison. On s’arrête, on est enfin arrivés. « Bienvenue chez nous » s’exclame Djibril, tout heureux. Il m’aide à descendre du 4X4 et je me précipite vers le baobab. Je n’en ai jamais vus d’aussi grands. Il me dit de le suivre, en riant, l’air d’avoir une idée derrière la tête. Il m’emmène derrière la maison et là se trouve un jardin sublime. Comme une oasis au milieu du désert. Des fleurs jaunes, orange, violettes. Ça sent merveilleusement bon. C’est là que je suis vraiment chez moi.
J’aperçois de jolis détails dans l’architecture. Des colonnes. Elle a une couleur orange un peu vieillie mais qui lui donne un certain charme. Elle ressemble à la maison de ma grand-mère dans le Sud, celle avec les volets bleus. « Il y a une piscine ? » je demande, en pensant à cette chaleur étouffante et ce soleil qui tape. Il me répond qu’on en fera construire une bientôt si j’en ai envie. La terre est aride ici mais ça n’empêche pas les arbres de pousser. Il y a d’ailleurs un magnifique baobab à côté de la maison. On s’arrête, on est enfin arrivés. « Bienvenue chez nous » s’exclame Djibril, tout heureux. Il m’aide à descendre du 4X4 et je me précipite vers le baobab. Je n’en ai jamais vus d’aussi grands. Il me dit de le suivre, en riant, l’air d’avoir une idée derrière la tête. Il m’emmène derrière la maison et là se trouve un jardin sublime. Comme une oasis au milieu du désert. Des fleurs jaunes, orange, violettes. Ça sent merveilleusement bon. C’est là que je suis vraiment chez moi.
Élise
4 avril 2016