Sophie Lemp | "Écrire des histoires, ça remplace les doudous."

Nous voilà à la rentrée des vacances d’hiver. Cinq séances ont eu lieu. S’est posée la question de l’enregistrement pour la radio. J’ai réussi à « saisir » quelques instants mais beaucoup d’autres m’ont échappé, car la spontanéité des échanges en groupe est impossible à retrouver ensuite. Avec Aligre Fm, nous envisageons désormais, au lieu d’une chronique mensuelle d’une dizaine de minutes, une chronique hebdomadaire de trois minutes environ, avec une diffusion resserrée sur deux mois, à la fin de la résidence. Ce qui me semblait simple – enregistrer les séances de bout en bout et faire ensuite un petit montage – s’avère bien plus complexe, cela m’oblige à imaginer une autre façon d’articuler les matinées que je passe à l’école, avec davantage de temps en petit groupe.
Avant les vacances, j’ai demandé aux enfants ce qu’ils avaient préféré. « Apporter un objet et le dessiner » et « le loto des odeurs » ont été les réponses les plus fréquentes. Imaginer des histoires, raconter des souvenirs, jouer avec les mots, tout cela les amuse un temps mais ils se lassent vite. Ils ont besoin de faire, de manipuler, de bouger.
Ils m’ont aussi beaucoup parlé d’Angélique Villeneuve, venue dans la classe le lundi précédent pour évoquer l’album Le Doudou des bois. Ils ont aimé toucher ce qu’elle avait apporté – une châtaigne, des feuilles mortes – et la regarder écrire dans le livre acheté pour la classe. Nous avons inventé une histoire qui commencerait comme la sienne : « Il est arrivé quelque chose de terrible à Georgette. Voilà comment ça s’est passé. » Les enfants ont imaginé que l’héroïne ne perdait pas son doudou mais une photo de sa grand-mère, morte. J’ai pensé à mon livre, Le fil. Ont-ils imaginé cela parce qu’ils se souvenaient du sujet – la mort de ma grand-mère – ou est-ce le hasard ? Je ne leur ai pas posé la question, j’ai noté leurs idées puis nous avons écrit notre petite histoire. Certains voulaient qu’elle retrouve la photo, d’autres préféraient qu’elle soit perdue à jamais. Nous avons donc deux fins possibles.
Pendant ces vacances d’hiver, j’ai repensé le temps passé avec les enfants, imaginé ce qui n’était pas sur le papier, tenté d’inventer d’autres façons de solliciter leur mémoire et de nous approprier cette phrase prononcée par Angélique Villeneuve lors de sa venue dans la classe : « Écrire des histoires, ça remplace les doudous. »