A voix haute, chaîne YouTube

La chaîne YouTube A voix haute a été créée au cours de la période de confinement du printemps 2020, dans le cadre de la résidence d’écrivain en Ile-de-France de Séverine Daucourt au Cerep Phymentin. Elle vient pallier à la suppression des ateliers écriture/voix qu’elle animait une fois par semaine avec les jeunes accueillis au centre.
"A voix haute" est le fruit d’un appel lancé par la poète à des dizaines d’auteur.rice.s français.e.s dont 67 ont apporté leur contribution. L’ensemble de leurs réponses a pris les allures d’une poéthèque, élaborée dans l’urgence et destinée aux élèves/patients du Cerep, pour les inciter à maintenir un lien avec la langue, avec la poésie et avec le groupe auquel ils appartiennent.

C’est un inventaire simple et vivant, contemporain, audiovisuel, éclectique et convivial qui a été dévoilé aux jeunes via une application de visioconférence le lundi 11 mai, jour du déconfinement.

Jusqu’à la fin de l’année scolaire, ils pourront découvrir chaque semaine 4 à 6 vidéos, 4 à 6 poètes, lors de rendez-vous programmés avec leurs enseignants, leurs référents et Séverine Daucourt. L’ensemble des élèves/patients de l’hôpital de jour a été invité à partager l’aventure. Ces rencontres, quoique à distance, permettent d’échanger et d’inciter à l’expression autour des textes. Peut-être cette chaîne permettra-t-elle de rallier ces ados aux mots, à des voix, des présences, à eux-mêmes et aux autres jusqu’à la fin de cette drôle d’année scolaire. Peut-être servira-t-elle aussi ultérieurement à d’autres auteur.rice.s, d’autres enseignant.e.s, d’autres publics, comme espace d’initiation à la poésie contemporaine... le jour où le monde aura à nouveau moins de frontières.

En guise de préambule, ici sur remue.net, vous pouvez regarder/lire la contribution de Pierre Drogi et de ses loups :

Le lien pour accéder à l’ensemble de la chaîne, qui reste confidentielle et non répertoriée est le suivant :
https://www.youtube.com/playlist?li...


En annexe, l’appel adressé le 20 avril :

À vous tous poètes amis, je fais un appel un peu désinvolte, pour vous demander un service aux airs de contribution d’urgence ou d’acte politique. J’espère que l’engagement requis est suffisamment léger pour ne pas vous encombrer en cette période où le temps prétendument en excès nous file plus que jamais entre les doigts.

Je suis en résidence (Ile de France) depuis septembre 2019 à l’hôpital de jour Montsouris (Paris 14e), qui accueille des adolescents présentant des troubles importants de la personnalité sans déficit intellectuel. En temps normal, ils y sont reçus au quotidien et y bénéficient de soins et d’un enseignement adapté à leurs grandes difficultés. Scolairement, socialement, on peut dire qu’ils sont exclus. Depuis le confinement, ils sont livrés à eux-mêmes, au sein de leurs familles respectives, avec une forme inédite et complexe d’autogestion de leur souffrance, de leurs symptômes. Leurs soignants font le maximum pour maintenir un lien thérapeutique mais il est parfois très difficile de les joindre, de les repêcher dans le vide où ils plongent, s’évadent... se confinent comme on l’a exigé. Certains ont carrément disparu du champ, plus ou moins volontairement. Au-delà des obstacles rencontrés par tous les collégiens-lycéens face au télé-enseignement (pas d’ordi, pas de connexion ni d’environnement adapté...), s’ajoutent pour eux des dimensions anxiogènes insurmontables : ne pas supporter de voir sa propre image, d’entendre sa voix, ne pas savoir se mettre en scène a minima devant un écran ni rester "contenu" dans un cadre qui n’existe plus vraiment... bref, tout ce qui a trait à la réalité devant en permanence être rendu explicite, ce qui semble simple ou faisable pour des élèves de milieu dit ordinaire ne l’est pas pour eux. Du coup, les approches Zoom et autres Skype font souvent fuir, ou peur, ou flop.

Je vous laisse imaginer la situation dans laquelle ils se trouvent, celle dans laquelle nous allons les retrouver quand il sera temps, et le degré d’inventivité nécessaire aux équipes soignantes et enseignantes pour poursuivre malgré tout l’accompagnement.

Depuis l’automne, j’ai conduit avec un petit groupe de ces jeunes, un atelier d’écriture poétique hebdomadaire et cet atelier n’est pas près de revoir le jour sous la forme qu’il avait. Pour ne lâcher ni le groupe ni cet établissement qui m’a accueillie en résidence, pour maintenir un lien avec les adolescents, pour que la poésie puisse les atteindre encore, j’aimerais créer une chaîne YouTube privée et les inciter à écouter/voir des poètes vivants (ceux que je m’attachais à leur faire découvrir) y lire, y performer des textes courts choisis pour eux. J’aurais pu me contenter de leur envoyer par email une sélection de textes contemporains, mais, outre le fait qu’ils auraient sans doute été peu enclins (euphémisme) à les lire, l’idée de faire entrer une petite foule de poètes dans une page, voire dans une chambre, d’entendre/de voir du monde me semblait plus attirante, plus juste aussi en ce moment de coupure et d’isolement.

Il me faut donc construire en urgence une poéthèque de poche destinée à ces élèves/patients (et pourquoi pas à d’autres, plus tard ?), conçue comme une tentative de les maintenir arrimés au réel par le biais de la poésie incarnée.

Si vous avez le temps, le courage, l’envie de participer, vous pouvez m’envoyer 2 minutes de lecture vidéo (ou éventuellement audio seul + photo si vous préférez). Je posterai votre proposition/cadeau sur la chaîne YouTube créée à cette effet (dont l’accès sera privé) et l’ensemble nous permettra, à moi et aux deux enseignants qui participent au projet, d’inciter en douceur ces jeunes personnes à revenir et vers la langue et vers le groupe auquel ils appartiennent. Je ne sais si cela marchera et donc la suite reste improbable. Sans doute proposerons-nous ultérieurement une réunion virtuelle pour parler des textes, des vidéos, des poètes, des autres, de soi.

Voilà. C’est quelque chose de simple, mais d’irréalisable sans votre contribution.
Les textes (poésie, mais pas de frontière stricte n’est-ce pas) sont destinés à des adolescents de 14 à 20 ans (je sais, l’écart est grand), en grande difficulté psychique (je sais, c’est flou). La durée devra être de maxi 2 minutes. Libre à vous de lire où et comme vous voulez. Je vous laisse juger de ce qui pourrait les accrocher, la diversité de vos propositions sera en soi passionnante et source de réflexion.
Pas de prise de tête, la spontanéité est de mise et l’urgence fait partie du projet.
Format vidéo (webcam ou smartphone) mp4 ou mov.
Deadline : jeudi 30 avril.

Merci mille fois à ceux qui voudront, pourront participer.
Bien amicalement,

Séverine

20 mai 2020
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