Atelier des Alfabètes /8

Nous sommes onze autour de la table, le plus jeune a 26 ans, le plus âgé 86.
Yann nous fait écouter
Inventaire, l’un des poèmes chantés de Jacques Prévert. Puis, Fatoumata et Benoît relisent àhaute voix le texte. La présence du fameux raton laveur qui se fraie une place dans presque chaque couplet nous amuse. Yann propose alors de créer notre propre inventaire en jouant avec le hasard. Chacun écrit sur différents petits papiers une durée, un animal, une nationalité, un objet, une maladie, un papier, une odeur, une réunion et un chasseur. En voici quelques extraits :

Une époque
Deux chevaux qui tombent d’un pont dans Octobre d’Eisenstein
Trois papous d’opérette
Quatre de mes casquettes
Cinq soucis existentiels
Six lettres d’amour
Sept scies sauteuses
Huit fusils de chasse
Neuf tête àtête
Dix chasseurs sachant chasser sans chichi
Les Alfabètes

Il y a bien longtemps
La bête du Gévaudan
Dix Maliennes
Six verres qu’on utilise tous les jours
Différentes maladies héréditaires
Quarante papiers journal
Deux petites voitures pour moi de ma belle-sœur (avec permis et sa permission)
Un parfum d’Ylong Ylang
Une réunion où il faut venir àl’heure sinon c’est pas la peine
Un lapin chasseur
Les Alfabètes

Le temps d’un soupir
Ma poule
Douze Ouzbeks
Vingt machines àcoudre
Une crise d’orgueillite
Les papiers que je ne porte pas sur moi pour ne pas les perdre
Des odeurs de fleurs
Un interrogatoire en garde àvue
Dix chasseurs d’innocents promeneurs
Les Alfabètes

Le temps des études
Le chien qui n’a pas de cerveau mais de l’instinct
Beaucoup d’Algériens tous plus sympathiques que les autres
Zéro fer àrepasser
Sept milliards d’hypocondries
Sans livret de famille
Deux montures de lunette àécailles
Un parfum Chanel n°5
Insuffisamment de réunions d’anciennes combattantes
Treize chasseurs de jupons
Les Alfabètes

Yann est également venu avec un texte d’Apollinaire, un des Poèmes àLou écrit alors qu’il combattait sur le front en 1915. Tous les vers débutent par « Â Il y a  ». Nous décrivons alors chacun et chacune une rue ou un quartier de Paris avec cette même anaphore.

Il y a
Il y a Voltaire. 
Il y a la statue de Voltaire place Léon Blum.  
Pas loin, il y a aussi l’atelier des Alfabètes.  
Il y a beaucoup d’êtres qui se cherchent.  
Il y a des choses qui sont bien… 
Des hommes trainaient dans ce quartier, c’est-à-dire qu’ils allaient se bagarrer. 
Il y avait du beau monde. 
Il y avait des voyous, des durs àcasquette. 
Il y avait des proxénètes. 
Il y en a plus aujourd’hui. 
Il y avait la Bastille, le 14 juillet. 
Il y avait Louis XVI et Marie-Antoinette. 
Il n’y a plus de tête qui roule. 
Il y a toujours des injustices. 
Il y a maintenant la nuit. 
Il y aura une nouvelle révolution. 
La danse des accordéons. 
Le tourbillon de la vie. 
Rachid Sakraoui & Christian  

Il y a les magasins chinois qui ont disparu du quartier.
Il y a mes promenades par la fenêtre.
Il y a la disparition du local àlouer puis du local àvendre.
Il y a le caviste allemand qui s’est installé pas loin.
Il n’y a plus que ça dans la rue.
Il y a les logements qui se construisent sans prévoir de parking.
Il y a les chiens qui se font de plus en plus rares.
Il y a même les rats qui ont fui la place Léon Blum.
Szbigniew

Entendu pendant l’atelier...
« Â Je vais voir Paul. Pôle emploi. Je vais leur demander si je peux devenir dégustateur de vin. Pour moi, on déguste bien àpartir d’une bouteille.  »
Szbigniew

Benoît, àpropos des ateliers d’écriture qu’il a menés : « C’est surprenant. Il y a une poésie cachée…  »

Le chat de Maria
J’aime bien les chats 
Le chat de Maria 
Maria la Portugaise 
La femme de José 
Son fils Mario est un grand de 25 ans 
Je les connaissais bien 
Ils m’ont donné 20 euros 
Ça compte l’argent 
Pour manger 
Pour tout
Bouchra

29 décembre 2021
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