Carnets d’atelier du Rebours /2
« Mais madame on n’a pas de modèle, nous ! »
Mercredi 24 janvier,
classe de BTS SAM Support à l’action managériale 2e année, professeur Marie-Line Bonnard
Puisque le thème de ma résidence est « être et paraître », je demande aux élèves de réfléchir à leurs modèles, des personnes qui les influencent par leur physique, leurs idéaux, leurs talents artistiques ou sportives, etc. Il peut s’agir d’un joueur de foot ou d’une comédienne ou chanteuse de rap, leur dis-je pour les encourager parce qu’ils ont l’air de traîner des pieds. Aussitôt la consigne énoncée, des doigts se lèvent : « Mais madame, on n’en a pas de modèles ! Admirer quelqu’un, ça voudrait dire qu’on n’a pas confiance en nous. » Quoi ? Ma stupeur est grande, ils n’ont pas de modèles ! Ma riposte fuse : moi, à leur âge, j’avais des dizaines de modèles : Jane Birkin, The Cure, Jeanne Moreau, Arthur Rimbaud, Colette, Marguerite Duras, des filles de ma classe, certains de mes profs… Je leur dis encore que ce n’est pas possible de ne pas avoir de modèles, ce sont eux qui nous construisent, nous élèvent, nous ouvrent la voie vers une représentation, un idéal. Histoire de leur paraître encore plus midinette, je leur raconte comment le soir venu je rentrais chez moi et tentais de me coiffer comme mes modèles et d’imiter leurs expressions devant le miroir. Je minaudais et soliloquais devant la glace me prenant pour Nico ou Delphine Seyrig. Ils me dévisagent à présent avec un air franchement circonspect… Quelques-uns acceptent en maugréant d’écrire sur leur carnet mais vraiment du bout du bout de la plume un nom de boxeur ou de surfeur ou encore celui de Violeta, une héroïne de série télé que je ne connais pas. La plupart sèchent… En déambulant dans les allées de la classe je lis tout de même sur une tablette d’élève le mot « Dieu »…. Ma surprise est à son comble. Pendant que je voulais ressembler à une chanteuse à la voix grave, cette élève veut, elle, quarante ans plus tard, ressembler à Dieu ! On ne boxe décidément pas dans la même catégorie… Un souvenir alors me revient. C’était il y a quelque dix ans dans une classe de 4e à Montreuil (93) où j’avais mené un atelier autour du thème de l’influence. Par ordre d’apparition les trois modèles étaient 1) le Prophète, 2) le père, 3) la mère.
Aigrie
Classe du lundi 30 janvier
2nde MRCA (métiers de la relation clientèle et de l’accueil) et MBE (métiers de la beauté et du bien-être), classe de François Chopineau
Pour ne pas les décourager par une consigne d’écriture trop difficile, je commence en douceur, demandant aux élèves de tracer une colonne « paraître » et une autre « être ». Dans la première ils écrivent tout ce qu’on dit sur eux, leur surnom, la ressemblance avec tel animal, telle fleur, tel super-héros, mais aussi des traits physiques, des apparences. La colonne « être » livre quant à elle leur vie intérieure, leur vrai moi, leur vérité brute. Cette colonne, on ne la lit que si on veut, je n’obligerai personne. La plupart d’ailleurs la gardent secrète. A la lecture, je suis très étonnée que l’adjectif « aigri » apparaisse à trois reprises aussi bien dans la colonne être que dans la colonne paraître. L’adjectif « bête » est énoncé une fois. Heureusement il figure dans la colonne paraître… Je décide dare-dare que l’objet d’un de mes prochains ateliers sera : « Comment avoir une bonne image de soi ? »