Le Bureau de la Pensée

J’ai le souvenir, étant enfant, de rêver d’entrer dans la tête des gens autour de moi pour entendre leurs pensées et voir à travers leurs yeux. Je m’interrogeais beaucoup sur ces flots de paroles et d’images que mon cerveau produisait nuit et jour. Il me semblait qu’à l’intérieur de moi, un cinéma toujours ouvert projetait ses films sur un écran qui s’interposait entre mes yeux et la réalité. Est-ce que les autres, qui me paraissaient si calmes de l’extérieur, cachaient aussi ce volcan d’idées à l’intérieur d’eux ?

Comme l’intérêt de l’âge adulte réside, à mes yeux, dans la possibilité de réaliser ses rêves d’enfant, j’ai décidé de m’occuper de celui-ci : entrer dans la tête des gens. L’écriture de Moi c’est Talia, a donc débuté par le désir de m’entretenir avec des enfants et des adolescents sur les mécanismes de leurs pensées.
Dans le CDI du collège Gay-Lussac, à Colombes, j’ai pu ouvrir un Bureau de la pensée, dans lequel les collégiennes et collégiens venaient me rendre visite individuellement. Ils se confiaient sur leurs voix intérieures, leurs difficultés à se concentrer sur une seule chose, leurs errances imaginaires, la place qu’ils accordent à leurs souvenirs et leurs émotions. Certains d’entre eux me racontaient les astuces qu’ils avaient développées pour canaliser leur esprit. D’autres se plaignaient d’un grand écart entre leur comportement quotidien et ce qu’ils étaient à l’intérieur.

Tous étaient unanimes : penser à rien c’est très difficile, voire impossible, à cause d’une voix qui parle sans cesse en nous.

Faustine Noguès

8 avril 2021
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