Le vieux prince
Le vieux prince par Julie Noel (France).
Atelier d’Isabelle Sorente à la Maison des étudiants de la Francophonie.
C’était la fin de la journée. Une journée d’été qui avait ressemblé à tant d’autres. Le soleil déclinait, il allait bientôt disparaitre derrière les collines. L’air était encore chaud, saturé même de la chaleur de la journée. Les cigales indécises, interrompaient leur chant à mesure que le soir tombait, puis reprenaient, soucieuses de ne pas lâcher prise aussi vite.
Un chat, habitué à ces collines du Massif des Maures, rôdant selon son gré autour de la maison de famille, ce chat, mon chat, ce soir-là, n’avait plus la force… Vieux et chétif, soulevant chaque patte avec une infinie précaution, il se déplaçait doucement au travers des herbes sèches. Chaque mouvement lui demandait un effort extrême.
Il avait malgré tout réussi à profiter de la journée, à humer les odeurs du dehors, à s’étendre au soleil quand les rayons étaient encore doux. Puis il s’était trouvé un coin frais où passer les heures chaudes. En somme, une vie de chat bien remplie.
Il avait rejoint son repère préféré, au pied d’un acacia entouré de fourrés et de végétation. Là, l’ombre restait toujours fraiche. Là, il voyait sans être vu, les allées et venues de la maison. C’est ce refuge qu’il avait choisi pour sa dernière sieste.
Il aurait aimé se rendre jusqu’à la maison. Il aurait traversé le vestibule, avec sa démarche de vieux prince, maître en son royaume. Puis aurait rejoint la cuisine. Du temps de sa jeunesse, d’un bond souple, il aurait sauté sur le rebord de levier. Mais maintenant, il n’était plus capable de tels efforts. Alors il aurait miaulé doucement pour que son serviteur le hisse à hauteur du robinet et lui fasse couler un petit filet d’eau. Boire cette eau fraiche, courante, après une chaude journée, était toujours une précieuse source de satisfaction.
Allongé dans la pénombre, le chat savourait maintenant l’accalmie du soir. Quelques oiseaux chantaient encore. Les grillons n’étaient pas encore à l’œuvre. Le mulot qui traversa le sentier, le fit tressaillir une dernière fois, avant qu’il ne rendît son dernier souffle.