Une part d’instinct et de flexibilité

Nawel Ben Kraïem était en résidence à FGO-Barbara (Paris 18). A voir en vidéo, la performance poétique Je chante un secret, conçue à partir de son livre J’abrite un secret et de son disque éponyme.


Vous avez d’abord une expérience de l’écriture pour la scène, pour la voix, avant de vous diriger vers la publication. Pouvez-vous nous raconter brièvement ce chemin particulier ?

J’ai toujours eu une pratique souterraine de l’écriture, dans le sens où certains de mes textes ou poèmes avaient des formes qui leur étaient propres, ne trouvaient pas leur place dans les codes de la chanson et n’étaient pas dédiés à une forme orale. La rencontre avec mon éditeur Bruno Doucey a été décisive dans le chemin de la publication, qui a surtout consisté à rassembler et à choisir des textes et poèmes qui étaient déjà écrits. J’ai alors investi un champ littéraire, qui était au fond déjà présent dans ma pratique, mais dont j’ai pu prolonger l’exploration. 

Comment s’élabore un texte destiné à être représenté ou chanté en public ? change-t-il avec le temps, les réactions ?

En général, la trame du spectacle (performance ou concert) n’est pas figée mais le texte en lui-même ne change pas, ce sont surtout les intentions et les temps de silence qui font résonner ou sonner le texte un peu différemment selon les publics et les contextes. 
La structure de la performance ou du concert (ordre des chansons et poèmes) a une part d’instinct et de flexibilité (avec tout de même certains points de rdv précis).
Les concerts ou les représentations sont des moments de profonde écoute et de connexion à l’humeur et à l’énergie du public qui m’aident à construire, à parfaire ou à dévier ma trame. 
Au sein des différentes parties ou thématiques, les mots des textes des chansons et des poèmes sont eux portés à l’identique avec précision.

Quelles différences et points communs voyez-vous entre les deux écritures, pour un public de spectateurs ou de lecteurs ?

Avec un public de spectateurs, la communication passe par plusieurs langages et médiums artistiques : l’écriture croise l’écriture mélodique et musicale mais aussi le « langage » de la voix (ses intentions etc.), celui du corps, parfois celui des lumières, d’une scénographie, voire d’autres artistes (musiciens etc.).
Dans un texte dédié à un public de lecteurs, tout mon propos, la gestion de mon message, de la pensée et des émotions que je souhaite partager ou transmettre, passe par le choix des mots. 

Que vous ouvre cette résidence à cet endroit ? avez-vous pu explorer des champs nouveaux ? tenter des expérimentations ?  
Envisagez-vous des prolongements pour la suite ?

Elle m’a apporté un souffle et un confort de travail pour me concentrer pour finir l’écriture de mon livre Le corps don qui était en partie entamé.
J’ai aussi pu prendre le temps d’expérimenter d’écrire en prose, notamment une nouvelle, qui devrait paraître au printemps.
C’était une façon tout à fait nouvelle d’explorer le champ littéraire, en donnant vie à des personnages, et en tâchant de poursuivre une narration cohérente.
J’ai également exploré une forme orale plus proche de la forme théâtrale que de la forme d’un concert en portant mon nouveau recueil sans musique et en le faisant dialoguer avec une danseuse, à FGO Barbara.
Il y a donc eu à la fois un élargissement de mon champ littéraire avec la découverte d’un travail narratif en prose dans certains des longs poèmes de mon prochain livre Le corps don et dans l’écriture d’une nouvelle, ainsi que la découverte d’une nouvelle hybridation, entre littérature et danse.

T T+