La résidence est un ailleurs


Bruno Allain, en résidence au Centre Recherche Théâtre Handicap (Paris) en 2019-2020.

La résidence est un ailleurs. Elle enrichit. Paysage d’écoute et de pensée.
Je m’y sens chez moi.
La résidence est un tremplin. Envol et gravité. Lieu d’altérité, horizon du concret.
Les pieds sur terre.
La résidence relie les berges de la crispation et du repli. Un pont.
Une utopie.
J’y rêve.
Éveillé.



Ella Balaert, en résidence à la médiathèque de Dammarie-les-Lys en 2024.


Je réside : je vais je viens

en arpentant
en marchant en écrivant
en lisant en allant
à la rencontre
en tirant un fil fortuit, un trait un pont, entre les mots les mains les humains
en prenant la mesure hors caste, hors cadastre,
de toutes choses de toutes gens
et la mesure du temps
présent



Mariannick Bellot, en résidence à la médiathèque des Hautes-Garennes (Palaiseau) en 2022-2023.


J’ai résidé dans la bibliothèque de mon quartier, à 117 pas et 12 marches de ma maison. Elle est située dans un centre social, en face de l’école : les deux datent des années 80, avec leur toit vert pomme et leur escalier de secours en colimaçon, l’îlot de goudron sur lequel ils sont posés dans une courbe de l’autoroute délimitant le quartier. De mémoire d’habitantes, ici, avant, il y avait des vergers. Des cerisiers. Plus loin des fraises, et des asperges. Terre meuble et fertile, mais les immeubles et les pavillons ont remplacé les terriers.
La résidence a fait apparaitre d’autres visages, d’autres paysages que ceux que je côtoyais tous les jours. Elle m’a permis de voyager dans le temps, de superposer à ces rues que je traversais quotidiennement une autre carte, celle des souvenirs des personnes que j’interviewais.
Comme dans un livre d’heures richement illustré, on trouve dans les marges de leur récit de fantastiques animaux - les poussins à faire éclore près de la chaudière à mazout, le renard famélique qui vient faire les poubelles de la cité, le lapin qui vient attendre sa maîtresse à l’arrêt d’autobus, tous les soirs après le travail… Jours ordinaires et jours heureux, regard doré de l’enfance. Mondes disparus. L’épidémie et le confinement ont rendu plus perceptible encore l’éphémère de notre quotidien.
La résidence crée des rencontres, et ces rencontres déplacent le regard, grâce au temps long.
Elles prennent leur force dans les liens vivants que les médiathécaires et l’équipe du centre social tissent avec les gens du quartier : l’expérience de la littérature, du récit, comme un échange, un plaisir à être ensemble.

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