Mieux connaître chacun le travail de l’autre

Cécile Wajsbrot était en résidence àla librairie Vendredi (Paris 9) en 2020-2021.


C’est Julien Viteau, le libraire de Vendredi, qui m’a proposé cette résidence, que j’ai aussitôt acceptée. D’abord parce qu’on se connaissait un peu et qu’on s’appréciait, ensuite parce que les librairies m’ont toujours attirée.

La librairie Vendredi est très particulière. C’est un lieu avec une histoire, une histoire centenaire. Sa configuration aussi est étonnante. Assez étroite, assez peu de place mais des livres partout, des étagères qui montent jusqu’au plafond. Il faut une échelle pour atteindre certains livres. Surtout, on a le sentiment - qui n’est pas faux - que chaque livre a été choisi avec soin, par Julien ou par José, qui est libraire avec lui, que rien n’est làpar hasard.

Julien et moi nous sommes connus àla suite d’une traduction d’un auteur allemand, Peter Kurzeck, que j’avais faite. L’idée est donc venue assez naturellement de proposer une résidence autour de la traduction. La résidence s’est faite en pleine saison de Covid. Il a fallu modifier des choses, le calendrier a changé quatre fois mais nous avons été heureux de pouvoir proposer malgré tout un petit marathon de rencontres début juillet, quatre soirées de suite au lieu des cinq rencontres mensuelles prévues qui auraient permis de lier la librairie et le lycée Jacques-Decour. Là, tout s’est fait séparément, librairie d’un côté et atelier de traduction au lycée de l’autre.

Ce projet commun a contribué ànous rapprocher et àcréer des liens d’amitié au-delàde la résidence. Aussi àmieux connaître chacun le travail de l’autre.
Paradoxalement, cette résidence sur la traduction m’aura permis de traduire un peu moins et d’écrire un peu plus.

La différence avec des rencontres habituelles, c’est le suivi, c’est-à-dire l’impression de pouvoir approfondir une question. C’était bien de voir que parmi les gens qui venaient, certaines, certains ont assisté àplusieurs rencontres, il s’est créé une sorte de familiarité, de continuité. Mais le Covid a quand même pas mal bousculé les choses.
La captation vidéo et sa présence sur remue.net permet sans doute de prolonger l’écho de ces rencontres. Ce qui compense un peu.

J’ai appris beaucoup de choses sur le travail en librairie, même si c’était encore une fois dans des conditions spéciales. C’est dans ce sens que j’ai fait un entretien avec Julien dans lequel il raconte sa conception du métier de libraire. Qui est originale et passionnante, comme sa librairie.
J’aurais aimé passer quelques journées àVendredi, être une libraire éphémère, mais en y venant souvent, j’ai compris que les gens viennent pour avoir un rapport individuel, singulier avec José ou Julien. J’aurais eu l’impression de faire irruption dans une intimité. C’est peut-être ce que j’ai appris le plus, l’intimité du rapport entre libraire et client, ou plutôt lecteur, lectrice. Chez Vendredi, il peut y avoir quelques clients de passage mais ce sont surtout des habituées, des habitués qui viennent. Pour parler de livres - c’est tellement rare.

J’ai pris l’habitude de passer àVendredi au moins une fois par semaine et depuis que la résidence est terminée, je continue de le faire. Je connais mieux Julien et Julien me connaît mieux, y compris comme écrivaine. Et puis, cela donne envie de faire d’autres rencontres, peut-être, qui ne seraient pas perturbées par le Covid, cette fois.

4 janvier 2022
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