The Venice Suite / Suite vénitienne

Principalement connu pour ses romans (Une arche de lumière, Toute la famille sur la jetée du Paradis…), Dermot Bolger écrit de la poésie depuis l’adolescence et a publié une dizaine d’anthologies. Dans le cadre de sa résidence d’écriture au Centre culturel irlandais, Marie Hermet traduit The Venice Suite, recueil profondément personnel publié en 2012, où Dermot Bolger évoque l’amour et la perte d’un être cher. En voici un extrait.
Lire aussi la conférence de Marie Hermet : Traduire.


That which is suddenly precious…

… Crease marks where you folded hotel receipts ;
The to-do list pinned onto your bedroom mirror ;

A moisturiser jar with your fingerprint still visible ;
Old concert ticket stubs, a cherished dinner menu

Stowed away in the ornate box on the dressing table
That served as your child-like pirate treasure chest.

A hotel drinks bill after viewing a film with friends,
Scribbled notes I left with flowers, birthday cards,

A yellow golf-ball I unearthed from deep rough
Knowing you’d like the smiley face scrawled on it.

The casual words with which I coaxed you outside
To sunbath while I blithely cooked our final meal,

Watching you relish sunlight on your naked back.
A million words and times we exchanged no words,

Quarrels over slights eventually resolved by kisses.
Companionable silences shared in our back garden

Till howls from unattended dogs forced us indoors.
Footprints on a Wexford beach, cycling Dublin streets ;

A notebook crammed with tips to improve your golf.
Such inconsequential mementos made consequential :

A thousand artifacts to sort through ; discard or keep,
From a life that has inadvertently become itemised :

Each scribbled message now an historical footnote.
The thousand things that I would now wish to say,

The thousand things I would now wish to change,
The leave-takings to be confronted in every drawer :

The unanswerable, the unknown, the unexpressed ;
The keenest ache of loneliness just after I wake ;

The fact I knew you intimately for a quarter century ;
The mystery that perhaps I barely knew you at all,

The realization that nothing in life remains permanent
Except for old love notes stored in a treasure chest,

With their unalterable intent, their fixed sentiment
Rendered, with one stroke, into the past tense.



Ce qui soudain devient précieux

La trace d’un pli sur les notes d’hôtel
Ta liste glissée sous le miroir de la chambre ;

Un pot de crème de nuit avec la marque de tes doigts ;
De vieux tickets de concert ; un menu précieusement

Conservé dans la boîte ouvragée de ta coiffeuse
Où l’enfant en toi voyait le coffre au trésor d’un pirate.

Le reçu d’un verre pris au bar d’un hôtel après un film entre amis
Les petits mots que je glissais dans des fleurs ; des cartes d’anniversaire ;

Une balle jaune dénichée pour toi dans l’herbe haute du golf,
Sûr que tu aimerais son sourire gribouillé.

Les mots anodins que j’ai eus pour t’inciter à sortir
Prendre le soleil et moi insouciant je préparais notre dernier repas,

Te regardant savourer le soleil sur ton dos nu.
Un million de mots et d’échanges sans paroles,

Les disputes offensées fondant sous les baisers
Les doux silences partagés dans notre jardin clos

Avant que les chiens délaissés hurlant nous forcent à rentrer.
Des traces de pas sur une plage du Wexford ; Dublin à vélo

Un carnet bourré d’astuces pour progresser au golf
Tant de reliques mineures devenues majeures :

Mille babioles à trier ; à jeter ou garder,
D’une vie par mégarde devenue inventaire :

Chaque message griffonné désormais note en bas de page
Les mille choses que je voudrais maintenant te dire,

Les mille choses que je voudrais maintenant changer,
Les adieux à l’affût dans le moindre tiroir ;

L’incompréhensible, l’inconnu, l’informulé ;
L’absence la plus aiguë chaque jour au réveil ;

Un quart de siècle à si bien te connaître ;
Et ce mystère, te connaitre à peine peut-être

La découverte que rien dans la vie n’est permanent
Sauf les vieux mots doux qu’on garde dans une boîte au trésor,

Dont le sens inaltérable, le sentiment inchangé
Se conjuguent, en un souffle, au passé.


29 mai 2024
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